Découvert en 1898 par le juriste et numismate Georges Cumont, le site néolithique du bois d’Orival, situé à trois kilomètres au nord-ouest de Nivelles, a livré depuis un abondant matériel aux différents prospecteurs. Issus non de fouilles mais de ramassages en surface au fil des décennies, les objets qui y furent trouvés sont conservés pour partie au musée Curtius à Liège, auquel Cumont fit don de sa collection, et pour partie du musée communal de la cité des Aclots. Tout n’a pas survécu, les simples éclats et autres déchets de taille ayant été particulièrement victimes d’un tri presque fatal. Mais l’ensemble nivellois est demeuré assez significatif pour que Michel Fourny (Société royale d’archéologie de Bruxelles) et Michel Van Assche (Recherches et prospections archéologiques) en dressent un bilan statistique et comparatif riche d’enseignements [1].
L’abondance des tranchets est apparue dans un premier temps comme une caractéristique de ce coin de forêt brabançon. Son patrimoine préhistorique a été rattaché depuis aux premières formes (faciès) de la culture dite du Michelsberg, correspondant au néolithique moyen d’Europe de l’Ouest et s’étendant d’environ 4400-4300 à 3700-3500 avant J‑C. Le site de référence en la matière est celui du gué du Plantin à Neufvilles (Soignies). Des sites « frères » ont été identifiés à Bornival (également une section de Nivelles), Tourneppe (Beersel), Piéton (Chapelle-lez-Herlaimont), Saint-Sauveur (Frasnes-lez-Anvaing) et Vieux-Genappe.

Au bois d’Orival, pas moins de 1543 objets ont été étudiés. 81 % sont des outils complets ou fragmentaires, 19 % sont des pièces techniques, brutes de retouches manifestes. Les outils les plus nombreux sont les grattoirs sur éclat (43 %), suivis par les tranchets (11 %), les éclats retouchés (9 %) et les lames retouchées (8 %). Selon des proportions différentes, ces éléments figurent aussi parmi les plus représentés dans les autres sites contemporains.
Si ces pièces sont bien, dans leur majorité, spécifiques du premier faciès de la Michaelsberger Kultur, il s’en trouve aussi qui correspondent à un stade antérieur (paléolithique, mésolithique) ou postérieur (second faciès, néolithique final). D’autres ont pu traverser les cultures: c’est le cas ici pour huit armatures à tranchant transversal. Les cloisons entre les temps ne sont pas étanches.
Les tranchets et les pointes de flèches triangulaires, qui se détachent de l’outillage abondant, sont bien, quant à eux, typiques de la période retenue pour l’ensemble. Outre que les premiers de ces artefacts disparaissent ultérieurement, le meilleur argument en faveur de l’attribution du lieu est fourni par la domination du silex de type Spiennes dans ces deux catégories (respectivement 75 et 73 %). C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, pour la totalité de la collection où les grattoirs sont prépondérants (56 %). Adoptées massivement lors du premier faciès, les productions de nos célèbres centres d’extraction hennuyers déclinent en effet à partir de la première moitié du IVe millénaire. Par ailleurs, les valeurs élevées ici le sont également dans les sites similaires précédemment cités.
Les autres variétés de silex dont témoignent les 120 tranchets du corpus font plutôt de la figuration. Le silex turonien (crétacé supérieur), qui arrive en deuxième position, se trouve loin derrière le spiennois (6 %) et loin devant les suivants. Non sans surprise, les chercheurs ont constaté que « les tranchets affûtés sont paradoxalement plus longs et robustes que ceux qui n’ont pas été modifiés en cours d’utilisation, ce qui permet l’hypothèse de deux outils distincts dont l’usage différent resterait à définir » . De manière tout aussi inattendue, la comparaison des pièces du bois d’Orival et de Bornival, tout proche, ne confirme pas la thèse, qui s’imposait jusque-là aux auteurs, d’une réduction des dimensions à mesure qu’on s’éloigne des mines d’où proviennent les matières premières. « On peut penser que les modalités d’approvisionnement […] pouvaient fluctuer » : plus favorables à certains moments et endroits, Bornival en l’occurrence, qu’à d’autres. A moins qu’on ait affaire, ici aussi, à deux fonctions différentes, voire davantage.
Les 26 armatures de flèches triangulaires, par lesquelles « le site du « Bois d’Orival » bat tous les records en nombre » (seulement 5 à Neufvilles, 13 à Tourneppe), autorisent le même diagnostic culturel et chronologique. Dix-neuf ont été façonnées à partir des roches issues des puits montois. Certaines sont trapues et présentent une base irrégulière retouchée, d’autres sont en forme de triangle isocèle, d’autres sont des variantes intermédiaires, que les experts ont pu comparer avec des exemplaires découverts dans les lieux de même famille. Il est arrivé aussi qu’on ne leur trouve pas d’équivalent dans la série de référence de Neufvilles.

Situer dans la ligne du temps les grattoirs s’avère plus difficile, alors qu’ils sont fortement représentés et même surreprésentés par rapport à d’autres gisements. Peut-être faut-il y voir une « contamination » par le néolithique final. La valeur diagnostique des armatures tranchantes est également moindre. Sur les huit recueillies, deux seulement (25 %) sont en silex spiennois. Parmi les haches polies en roche dure, de la première ou de la seconde phase du Michelsberg, une variété de gré finement veiné apparaît, également révélée par des fouilles menées à Blicquy (Leuze-en-Hainaut) et à Ittre. Elle pourrait provenir du pays des Collines de Flandre.
Mais également en tête pour les lames irrégulières, peut-être produites sur place, ainsi que pour les lames minières d’origine exogène, plutôt du second faciès, c’est toujours le complexe de Spiennes, le plus vaste d’Europe du Nord-Ouest, qui occupe la position de fournisseur dominant.
P.V.
[1] « Le « Bois d’Orival » à Nivelles, un important ensemble du premier faciès lithique du Michelsberg » , dans Notae Praehistoricae, 43, Bruxelles, 2023, pp. 9-28, https://biblio.naturalsciences.be/associated_publications/notae-praehistoricae/NP43 (en libre accès). Des mêmes auteurs, « Etude des tranchets du site néolithique du « Bois d’Orival » à Nivelles (Brabant) » , dans le Bulletin des chercheurs de la Wallonie, t. XLVIII, Flémalle, 2009, pp. 55-88, https://leschercheursdelawallonie.be/etude-des-tranchets-du-site-neolithique-du-bois-dorival-a-nivelles/ (en libre accès). [retour]