Quand le spectre de l’anticommunisme hantait le pilier catholique

Le soutien unanime aux insurgés hongrois en 1956 a cédé la place, dès la décennie suivante, aux attitudes plus hésitantes ou réticentes des organisations catholiques face aux dissidents de l’Est. L’Aide à l’Eglise en détresse a fait exception. L’intérêt est revenu dans les années ’80, mais articulé avec peine aux causes du tiers-monde (1956-1989)

   Entre la mobilisation du monde catholique en faveur des Hongrois en 1956 et les hésitations, voire les réticences, des organismes du même monde à soutenir les dissidents de l’Est dix ans ou vingt ans plus tard, c’est peu dire que le contraste est singulier. Il ressort tout particulièrement d’une étude de  Kim Christiaens et Manuel Herrera Crespo [1].

Continuer à lire … « Quand le spectre de l’anticommunisme hantait le pilier catholique »

Retour en force de la peine de mort

Collaborateurs et délateurs en firent les frais entre la Libération et 1950. 242 ont été exécutés alors que la peine de mort n’était plus effective en temps de paix depuis 1863. La gravité des faits et le traumatisme de la population expliquent une sévérité qui fut toutefois à géométrie variable et s’est atténuée avec le temps (1944-1950)

   Pendant les six années qui suivirent la Libération et la fin de la Seconde Guerre mondiale, 242 condamnés à mort ont été exécutés en Belgique, soit trois fois plus que les 79 recensés pendant 110 ans entre 1830 et 1940! Il s’agissait évidemment de collaborateurs politiques, policiers ou militaires et de délateurs, auxquels il faut ajouter un criminel de guerre, le major allemand SS Philipp Schmitt, commandant du camp de Breendonk, dernier à avoir été fusillé, le 9 août 1950.

   Pour faire pleine lumière sur ce retour en force de la peine capitale, on dispose aujourd’hui du précieux travail de quatre historiens. Elise Rezsöhazy, Dimitri Roden, Stanislas Horvat et Dirk Luyten, attachés à des universités, à l’Ecole royale militaire ou au Centre d’études et de documentation Guerre et sociétés contemporaines (Ceges/Soma), ont pu pour la première fois tirer ample moisson non seulement des dossiers pénaux individuels, mais aussi des archives de l’auditorat général [1].

Continuer à lire … « Retour en force de la peine de mort »

Voyage au bout de la nuit polaire

Une étude américaine vient nous rappeler qu’avec l’expédition antarctique de la Belgica, sous le commandement d’Adrien de Gerlache de Gomery, fut réalisé un des « plus grandioses combats de l’homme contre la nature » . Les conditions furent cauchemardesques, l’apport scientifique considérable (1897-1899)

   Le 16 août 1897 au port d’Anvers, plus de 20.000 personnes, massées sur les berges de l’Escaut, assistent au départ de la Belgica. Commandée par un capitaine de 31 ans, Adrien de Gerlache de Gomery, elle reviendra triomphalement le 5 novembre 1899 après avoir réalisé, dans des conditions extrêmes, le premier hivernage humain au cœur d’un Antarctique encore largement terra incognita. Julian Sancton, journaliste new-yorkais, a mobilisé toutes les ressources disponibles sur cette aventure qui « pouvait rivaliser avec les plus grandioses combats de l’homme contre la nature relatés dans l’histoire et dans la littérature » (Note de l’auteur) [1].

Continuer à lire … « Voyage au bout de la nuit polaire »

Fortunes et infortunes d’un corso fleuri

Celui de Saint-Nicolas (pays de Waes) attira plus de 100.000 spectateurs dans les années ’50. La trop faible mobilisation locale était pourtant régulièrement déplorée. En déclin au cours de la décennie suivante, les problèmes d’organisation et de maintien de l’intérêt s’accumulant, il n’a plus été réédité depuis 1970 (1930-1970)

   Très vieille tradition, remontant jusqu’à l’Antiquité, les cortèges floraux connaissent une vogue particulière dans l’Europe de la fin du XIXe et du début du XXsiècles. Blankenberge (1895), Gand (1897) et Anvers (1901) se lancent précocement dans l’aventure. De nos jours encore, la Belgique et surtout les Pays-Bas comptent le plus grand nombre de corsos fleuris, organisés aux occasions les plus diverses. Le trend s’est renforcé pendant l’Entre-deux-guerres, moment où Saint-Nicolas (pays de Waes) est entrée à son tour dans la danse. Début d’une histoire à multiples rebondissements, que Marleen De Smedt, chercheuse locale, a récemment retracée avec un grand luxe de détails [1].

Continuer à lire … « Fortunes et infortunes d’un corso fleuri »

La voiture électrique, c’est aussi du belge

Camille Jenatzy fait partie des constructeurs pilotes qui ont eu recours à cette source d’énergie dès les débuts de l’aventure automobile. A bord de sa Jamais contente, modèle doté d’une carrosserie légère et obéissant parfaitement aux lois de l’aérodynamique, il a été le premier à franchir le seuil des 100 km/h. Il n’en est pas resté là (1899-1913)

   Le 29 avril 1899 à Achères, en région parisienne, une voiture étrangement appelée la Jamais Contente, pilotée par son concepteur, le Belge Camille Jenatzy, franchissait pour la première fois dans l’histoire la barre des 100 kilomètres / heure. Enorme fut l’impression produite sur les contemporains par cette « vitesse vertigineuse » , ainsi que la qualifia la presse de l’époque. Vu d’aujourd’hui, l’événement prend une résonance supplémentaire du fait que le bolide à bord duquel fut réalisée cette performance était mû par l’énergie électrique.

Continuer à lire … « La voiture électrique, c’est aussi du belge »

Et les occupés devinrent occupants…

Entre Clèves et Aix-la-Chapelle, puis jusqu’à Monschau et Blankenheim et un temps dans la Ruhr, la Grande Guerre a été suivie par une longue présence armée des Belges en Allemagne. Ces années au bord du Rhin, dans le cadre des politiques alliées de sécurité et de réparations, n’ont pas été exemptes de violences de part et d’autre (1918-1930)

   Pendant près de douze ans, de décembre 1918 à juin 1930, la Belgique a occupé, entre Clèves et Aix-la-Chapelle, ceux qui l’avaient précédemment envahie. La zone s’est élargie ensuite vers l’ouest jusqu’à Monschau et vers l’est jusqu’à Blankenheim pour atteindre une superficie de  5564 km², équivalant à un peu plus que nos actuelles provinces de Liège et de Brabant wallon augmentées de la Région de Bruxelles-Capitale. Une population de près de 1,5 million d’habitants s’est trouvée surveillée, voire punie, par des effectifs qui ont grimpé jusqu’à un pic de 48.000 hommes et 2000 officiers en mars 1919. Cet épisode, qui n’est pas le plus familier au grand public, a trouvé son historienne en Anne Godfroid, docteure de l’Université libre de Bruxelles et de l’Ecole royale militaire, travaillant au musée royal de l’Armée [1].

Continuer à lire … « Et les occupés devinrent occupants… »

Dans les bistrots de nos aïeuls

Le style et l’équipement des cafés populaires de l’Entre-deux-guerres correspondent à une longue tradition sur laquelle viennent se greffer quelques éléments plus modernes. On a plus souvent l’électricité que l’eau courante… Une mine d’informations glanées dans les dossiers pénaux de la Flandre-Orientale (1932-1938)

   « Le meilleur siège, les consommations les plus fines, ne seront appréciés parfaitement que si la décoration de l’établissement est franchement agréable » . La revue architecturale Bâtir insistait en ces termes, dans les années ’30 du siècle dernier, sur l’importance, pour assurer le succès d’un café, de l’aménagement intérieur, en même temps bien sûr que de la personnalité du patron ou de la patronne. Investir ce champ n’est toutefois pas chose aisée pour l’historien. Si les lieux emblématiques sont généralement bien documentés, il en va tout autrement pour les débits de boissons ordinaires.

   Marjan Sterckx (Université de Gand) est pourtant parvenue à forcer l’entrée de ces foyers de sociabilité populaire [1]. L’originalité de son étude est de reposer sur les archives judiciaires, plus précisément sur les photographies légales et les plans de scènes de crimes qu’elles contiennent. L’alcoolisme aidant, les bistrots ont alimenté plus souvent qu’à leur tour la rubrique des faits divers des journaux! Après échantillonnage, la chercheuse a retenu dix dossiers d’assises de la province de Flandre-Orientale pour la période 1932-1938, conservés aux Archives générales du Royaume à Gand. L’ambition n’a pas été d’aboutir à un tableau pleinement représentatif, mais d’au moins déblayer la question.

Continuer à lire … « Dans les bistrots de nos aïeuls »

Un regard autre sur le creuset culturel belge

De langue française mais souvent d’origine mixte, nombre d’écrivains ont reflété notre identité métissée, au carrefour de la germanité et de la romanité. D’autres ont communié dans le goût des libertés, du repli sur la région, de l’esprit de clocher et/ou des paradoxes et des hardiesses esthétiques (XIXe-XXIe siècles)

   Pour dépasser les stéréotypes par lesquels la Belgique s’est bien souvent caractérisée elle-même (le surréalisme, l’autodérision, la bière, le chocolat…), un arrêt s’impose à ce « regard de l’altérité » que propose Carmen Andrei sur notre identité collective telle que reflétée par des sources littéraires [1]. Professeure à l’Université Dunărea de Jos de Galaţi (Roumanie), l’auteure a rassemblé et révisé ses études auscultant les œuvres de fiction créées sous nos cieux en langue française depuis Charles De Coster jusqu’à l’aube du XXIe siècle. Il ressort de ses travaux que cet espace géographique où nous vivons constitue, en dépit du schisme politique qui l’agite régulièrement de soubresauts, « un véritable creuset culturel » , « une culture originale, à la fois unitaire et plurielle » (p. 8).

Continuer à lire … « Un regard autre sur le creuset culturel belge »

L’UCB, un groupe aux bons soins de la pharmacie

Très diversifiée au départ, l’Union chimique belge a su faire circuler le savoir entre ses divisions et assurer sa présence à l’étranger dans le secteur des médicaments. Celui-ci a pris de l’importance en bénéficiant des profits engendrés par les autres activités. Aujourd’hui, l’entreprise est entièrement biopharmaceutique (1928-2008)

  Les Fours à coke Semet-Solvay & Piette, la Société générale belge des produits chimiques, la Société des produits chimiques de Droogenbos (Drogenbos), les Produits chimiques et pharmaceutiques Meurice: telles sont les compagnies qui s’unissent, le 18 janvier 1928, au sein de l’Union chimique belge (UCB). La première des quatre est le pivot (51,8 %) d’un ensemble des plus hétérogènes, sur un spectre s’étendant du secteur sidérurgique au marché des médicaments. Si vous visitez l’UCB aujourd’hui, oubliez cette pluralité initiale: l’entreprise est exclusivement biopharmaceutique. L’accès aux archives, souvent problématique dans les firmes industrielles, a permis à Kenneth Bertrams (Université libre de Bruxelles) de mettre en lumière les raisons de cette polarisation et d’en retracer les étapes [1].

Continuer à lire … « L’UCB, un groupe aux bons soins de la pharmacie »

Le Roman de Renart au service du Lion de Flandre

Considéré comme un père du mouvement flamand, Jan Frans Willems a étudié, édité, traduit l’épopée animale « Van den Vos Reynaerde » dans l’espoir que ce joyau des lettres médiévales contribue à la défense et à l’illustration de la langue néerlandaise. Il y a aussi mis ses propres accents et tenu compte de la pudibonderie de son temps (1807-1846)

   A Boechout en 1807, alors que nos provinces sont des départements français, un homme a perdu son emploi de percepteur et arpenteur parce qu’il ne maîtrise pas suffisamment la langue de Voltaire. Son fils âgé de 14 ans, choqué par ce drame, dédie un poème satirique de son cru « op den Maire en Municipaliteyt » . Il s’appelle Jan Frans Willems (1793-1846) et est considéré aujourd’hui comme le père culturel du mouvement flamand.

Continuer à lire … « Le Roman de Renart au service du Lion de Flandre »