A Malmedy, Lily avait 13 ans en 1940

Ballottée avec sa famille entre la Belgique et l’Allemagne, elle a connu la germanisation forcée, l’endoctrinement national-socialiste, les bombardements mais aussi la peur des Américains et les suspicions pesant après la Libération sur ceux qui s’étaient trouvés, même involontairement, du côté de l’ennemi (1940-1945)

   C’est un destin bien singulier que celui des habitants des cantons de l’Est nés au début du   XXe siècle: Allemands avant la Grande Guerre (par la volonté des vainqueurs de Napoléon en 1815), Belges après en application du traité de Versailles, de nouveau Allemands pendant la Seconde Guerre, de nouveau Belges ensuite. Venue au monde à la fin des années 1920 dans un Malmedy où les deux tiers de la population parlaient la langue de Goethe, Lily (Elisabeth) Pierry n’a pas connu la première intégration à la Belgique, qui ne se déroula pas sous les meilleurs auspices: plutôt à la manière d’une réparation de guerre. Elle peut en revanche témoigner des chapitres ultérieurs. C’était une raison amplement suffisante pour que son petit-fils instituteur Ronald Goffart lui donne la parole et se fasse son biographe [1].

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Vallée de la Meuse, vallée de la mort

On ne voit presque plus rien entre Liège et Huy en ces premiers jours de décembre. Mais le brouillard est aussi toxique et il sera mortel pour des dizaines d’habitants ainsi qu’une partie du bétail. En cause, des rejets industriels sulfureux combinés à un phénomène météorologique rare. Un pic dans des nuisances ici permanentes (1930)

   Le samedi 6 décembre 1930, on lit à la une du Chicago Daily Tribune ce titre en lettres capitales: « 68 DIE IN EUROPE’S « GAZ FOG »  » ( « 68 décès dans le « brouillard de gaz » en Europe » ). Le journal rapporte, parmi d’autres informations, que les autorités belges se préparent à distribuer plus de 20.000 masques à gaz et que les Bruxellois, terrorisés, se calfeutrent chez eux. Dans toute la presse des deux côtés de l’Atlantique sont relatés maints accidents, sur routes et en mer. Les effets de la purée se font sentir jusqu’à Paris mais c’est dans la vallée de la Meuse, entre Liège et Huy, qu’elle atteint son paroxysme. On n’y voit pratiquement plus rien, au point que les services de bus ont été supprimés temporairement.

   Dès le début de la semaine, les premiers « malades du brouillard » ont été signalés. Le mercredi 3 décembre, près d’Engis, un couple de fermiers et des ouvriers agricoles ont été frappés de quintes de toux, la gorge brûlée par une odeur âpre, crachant noir et jaune. Non loin de là, un éleveur, la poitrine oppressée, a dû abattre ses porcs qui suffoquaient. Après quelques jours, c’est parmi les humains que les morts se comptent par dizaines. Les victimes ont commencé par être sujettes à des essoufflements, des maux au thorax, des vertiges, des nausées. Certaines sont tombées dans le coma en pleine rue avant de rendre l’âme. Dans les étables, les cadavres de bestiaux s’accumulent. On a pu sauver certains d’entre eux en les amenant vers les hauteurs environnantes. Ce n’est qu’après le 5 décembre que l’air redeviendra à peu près respirable.

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