Voyages au temps du charbon et de l’acier

Pour s’y replonger, nombreux sont les sites hérités du passé industriel dans notre paysage: hauts-fourneaux, chevalements de mine, terrils, cheminées, canaux… Certains ont été reconvertis en lieux touristiques, culturels, didactiques… D’autres sont menacés de disparition, faute de sensibilisation des décideurs (XIXe-XXe siècles)

   Du 30 novembre au 2 décembre derniers, sur l’esplanade de la mairie d’Ougrée, Seraing a connu la première édition de sa Fête du Haut-Fourneau B. Au programme: des chalets, des restaurations, des concerts, mais aussi un vin chaud spécial « Haut-Fourneau » et une exposition de photos du HFB, illuminé dans la nuit.

   A l’époque de sa mise à feu en 1962, le « monstre » ou le « titan » , comme il fut parfois surnommé, était considéré comme le plus grand haut-fourneau d’Europe continentale. Et la Belgique était encore le septième producteur mondial d’acier. En octobre 2011 sonna l’heure de l’arrêt définitif, lot de la quasi-totalité de la phase à chaud liégeoise. Fallait-il laisser disparaître ce dernier témoin en bord de Meuse de la puissance sidérurgique du passé – et aussi des mouvements sociaux dont elle fut le théâtre ? Des voix s’élevèrent, dans la population, le monde syndical et les milieux politiques. Elles ont fait un lieu de mémoire du HFB, sauvegardé avec son hall de coulée, ses cowpers et son bâtiment des chaudières.

   Le site est représentatif de ces « icônes de l’industrie » auxquelles est consacré le treizième numéro de la revue annuelle de l’asbl Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles (PIWB) [1]. « Une icône personnifie une communauté, une mode ou encore un courant qu’il soit historique ou architectural, précise Jean-Louis Delaet, président de l’association. L’icône a pour synonymes incarnation, emblème ou symbole » (p. 3). C’est nantis de ce statut que sont appelés à demeurer aujourd’hui dans nos paysages, alors que plus rien n’y est produit, certains des héritages de l’extraction minière d’antan, des industries qu’elle attira autour d’elle, des cités ouvrières construites dans la foulée, plus tard et demain peut-être des zones d’activités. Mais on ne saurait tout conserver.

Continuer à lire … « Voyages au temps du charbon et de l’acier »

Le Limbourg avait (trop) bonnes mines

Peu de régions ont connu une mutation aussi accélérée que la Haute Campine après la découverte de ses richesses en charbon. Le paysage porte encore les traces de cette transition du monde rural au monde industriel. Depuis que les puits sont fermés, il faut concilier préservation du patrimoine et redéploiement économique (1901-1992)

PASBEL20200329a
A Winterslag (Genk), le contraste entre l’industrie et le paysage campagnard. (Source: Koen De Langhe, http://www.fotogeniekbelgie.be/beeldbank/landschappen/mijnstreek-winterslag.html)

La Belgique a retiré en juin 2019 la candidature de la Haute Campine au patrimoine mondial de l’Unesco. La décision faisait suite à un avis très critique rendu par le Conseil international des monuments et sites (Icomos), l’organe qui conseille l’institution onusienne. « Le retrait laisse ouverte la possibilité de déposer plus tard une candidature modifiée » , se console Piet Geleyns, acteur de la cause dans le cadre de l’Agentschap Onroerend Erfgoed (Agence du patrimoine immobilier) [1]. Pour le maintien de cette ambition, il y a des atouts, certes, mais aussi bien des handicaps.

Exceptionnelle, de fait, est la transition éclair que connut cette région dès le jour où une prospection, menée par le géologue liégeois André Dumont, professeur à l’Université catholique de Louvain, aboutit à la découverte des premières veines de charbon limbourgeois. C’était en août 1901 à As, à 541 mètres de profondeur. Et sur cette terre austère, peu rentable, de tourbe, de sable et de cailloux, appréciée des peintres paysagistes (l’école de Genk) mais ne pouvant avoir d’agriculture qu’extensive et moutonnière, se mirent à pousser par-dessus les puits les « belles fleurs » à molette répandant leurs odeurs et leurs bruits sous les nuages d’encre. Ce n’est pas un hasard si le botaniste Jean Massart publia à cette époque son ouvrage fondateur Pour la protection de la nature en Belgique. Mais les fermes traditionnelles, les moulins à eau et les villages bucoliques n’avaient pas disparu, créant par endroits des anachronismes saisissants.

Continuer à lire … « Le Limbourg avait (trop) bonnes mines »