Vallée de la Meuse, vallée de la mort

On ne voit presque plus rien entre Liège et Huy en ces premiers jours de décembre. Mais le brouillard est aussi toxique et il sera mortel pour des dizaines d’habitants ainsi qu’une partie du bétail. En cause, des rejets industriels sulfureux combinés à un phénomène météorologique rare. Un pic dans des nuisances ici permanentes (1930)

   Le samedi 6 décembre 1930, on lit à la une du Chicago Daily Tribune ce titre en lettres capitales: « 68 DIE IN EUROPE’S « GAZ FOG »  » ( « 68 décès dans le « brouillard de gaz » en Europe » ). Le journal rapporte, parmi d’autres informations, que les autorités belges se préparent à distribuer plus de 20.000 masques à gaz et que les Bruxellois, terrorisés, se calfeutrent chez eux. Dans toute la presse des deux côtés de l’Atlantique sont relatés maints accidents, sur routes et en mer. Les effets de la purée se font sentir jusqu’à Paris mais c’est dans la vallée de la Meuse, entre Liège et Huy, qu’elle atteint son paroxysme. On n’y voit pratiquement plus rien, au point que les services de bus ont été supprimés temporairement.

   Dès le début de la semaine, les premiers « malades du brouillard » ont été signalés. Le mercredi 3 décembre, près d’Engis, un couple de fermiers et des ouvriers agricoles ont été frappés de quintes de toux, la gorge brûlée par une odeur âpre, crachant noir et jaune. Non loin de là, un éleveur, la poitrine oppressée, a dû abattre ses porcs qui suffoquaient. Après quelques jours, c’est parmi les humains que les morts se comptent par dizaines. Les victimes ont commencé par être sujettes à des essoufflements, des maux au thorax, des vertiges, des nausées. Certaines sont tombées dans le coma en pleine rue avant de rendre l’âme. Dans les étables, les cadavres de bestiaux s’accumulent. On a pu sauver certains d’entre eux en les amenant vers les hauteurs environnantes. Ce n’est qu’après le 5 décembre que l’air redeviendra à peu près respirable.

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Nos ancêtres avaient-ils meilleur air ?

Une hausse de 10 microgrammes de carbone suie par mètre cube d’air dans nos villes augmenterait de 7,1 % la mortalité naturelle. L’effet des autres polluants est nettement moindre. Mais on n’était guère mieux loti quand la révolution industrielle crachait feu et fumées ou quand les activités génératrices de nuisances proliféraient au cœur des cités

   S’il faut en croire l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution de l’air dans l’espace public a été en 2019, pour l’ensemble de la planète, la cause de quelque 4,2 millions de décès prématurés. Et la Belgique, en raison de sa grande densité, ne fait pas précisément partie des pays jugés les plus « respirables » .

   Pour objectiver autant que possible nos conditions écologiques, une étude a été menée dans les neuf plus grandes agglomérations du royaume (représentant 52,9 % de la population). Il s’est agi d’évaluer les liens possibles entre la mortalité naturelle et l’exposition à court terme de groupes potentiellement vulnérables à cinq polluants (dioxyde d’azote, ozone, carbone suie et deux variétés de particules fines) [1]. La recherche a porté sur les années 2010 à 2015. Ses auteurs sont attachés à l’Agence interrégionale belge de l’environnement (Irceline), à l’Institut flamand de recherche technologique (Vito), au centre de recherche sur la santé Sciensano ou aux Universités de Hasselt ou de Louvain (Leuven).

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