Donner la Wallonie à la France de Vichy ?

Les archives de Georges Thone, figure influente du mouvement wallon, ont jeté une lumière crue sur les ouvertures faites en faveur du rattachisme au gouvernement du maréchal Pétain. Certains des acteurs de cet épisode ont développé des conceptions racistes ou ethnicistes, allant jusqu’à envisager des transferts de population (1940-1943)

En 1940, il se mettait bien à l’écart de « la tourbe des métèques » . En 1943, il qualifiait de « gangsters » les groupes de résistants armés. Installé à Nice pendant la guerre, il envisageait, dans un rapport de janvier 1941 destiné au gouvernement de Vichy, la possibilité de « régler sur la base du racisme » la question de l’Alsace-Lorraine et celle de la Wallonie… Peu nombreux sont ceux qui le savent et moins nombreux encore ceux qui pourraient l’imaginer: il y a à Liège une rue qui porte le nom de l’auteur de ces propos, l’éditeur et imprimeur Georges Thone (1897-1972).

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Georges Thone: un passé dérangeant que beaucoup ont préféré oublier ou minimiser. (Source: photo Le Grand Liège asbl; n. 1, p. 14)

Ce personnage aussi discret qu’influent apparaît au premier plan dans l’épisode, bien connu des historiens – mais nettement moins du grand public –, des ouvertures faites au gouvernement du maréchal Pétain par des militants du mouvement wallon, tendance rattachiste. En 2004, l’historien Hervé Hasquin (Université libre de Bruxelles), par ailleurs alors ministre-Président de la Communauté française, avait apporté au dossier une étude des plus révélatrices, basée notamment sur des archives inexploitées de Thone que le hasard avait mises en sa possession. C’est peu dire que l’ouvrage, récemment réédité et enrichi [1], a fait réagir. C’est qu’il donnait de l’ampleur à ce qui contredit radicalement un certain récit régional, en montrant que les propensions à la collaboration ou à l’opportunisme dans la défaite n’ont pas été l’apanage des nationalismes du Nord. En a résulté ce que le professeur Hasquin a appelé une omerta, en tout cas dans les milieux « wallingants » , alors que leurs adversaires, après la Libération, n’ont pas manqué de faire des gorges chaudes de ces amours temporaires du Coq hardi et de la Francisque.

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