Colonialisme: ne peut-on enquêter qu’à charge ?

Pour les tenants des études « décoloniales », les progrès matériels accomplis au temps de la dépendance ne peuvent être mis à son actif dans la mesure où ils ont visé à asseoir une domination violente ou ont résulté de rapports de force. La question de la frontière entre démarches scientifique et militante est posée (1885-1960)

   Depuis plusieurs années, le passé colonial de la Belgique se trouve au banc des accusés, sous l’influence d’organisations telles que le Collectif mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMCLD) ou d’universitaires tels que la politologue Nadia Nsayi. Une commission d’enquête parlementaire a rendu des conclusions, saluées ou critiquées selon les points de vue [1], alors que des volontés de « décoloniser l’espace public » ont fait leur chemin dans certaines communes.

   Dans la conception que défendent les activistes, les mobiles civilisateurs invoqués pour justifier notre présence en Afrique ne furent qu’un masque, alors que le système reposait sur la violence et que la modernisation ainsi que l’indépendance promises étaient sans cesse ajournées. Les « plus profonds regrets » exprimés par le Roi, notamment à Kinshasa en juin 2022, sont insuffisants pour les tenants de cette vogue idéelle, qui déplorent l’absence d’excuses en bonne et due forme et la présentation par Philippe de la colonisation comme une première étape, même malheureuse, dans le partenariat entre la Belgique et le Congo.

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Le plastique, c’est aussi du belge

Industrialisée notamment par Leo Baekeland, inventeur de la bakélite, la substance moulable ou modelable s’est répandue comme traînée de poudre à partir de l’Entre-deux-guerres. Prestigieuse naguère, critiquée aujourd’hui, elle est entrée dans le patrimoine et demeure omniprésente (1907-)

   Il suffit de jeter un simple coup d’œil autour de nous, où que nous soyons, pour constater que le plastique est partout. Il est plus difficile d’imaginer le prestige qui entoura, il y a cent ans ou davantage, ce matériau devenu aujourd’hui si commun, voire décrié. De fait, ses effets délétères sur la santé et l’environnement sont régulièrement pointés du doigt. Mais il y a des nuances à apporter au réquisitoire et la consommation de masse est un vaisseau dont la trajectoire ne se modifie pas aisément…

   Publié à l’occasion d’une exposition présentée à l’Industriemuseum de Gand en 2024-2025, un ouvrage collectif fait le point sur la technique et ses principales applications, du A de « automobiel » au Z de « zak » [1]. On y vérifie que la place de notre pays dans cette histoire n’est nullement négligeable.

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L’éternel retour du fisc prodigue

A quelques nuances près selon les périodes, nos contributions ont toujours fonctionné sur des ponctions importantes dans les revenus du travail et le maintien à un niveau bas des prélèvements sur les revenus du capital. Les arguments pour ou contre cette constante reposent sur des grands principes identiques hier et aujourd’hui (1830-1962)

   Les impôts perçus en Belgique sur les revenus du travail figurent parmi les plus élevés du monde. Il n’en va pas de même, c’est le moins qu’on puisse dire, pour les capitaux mobiliers, au point que les fortunes étrangères, notamment françaises, nous jugent particulièrement attractifs. Cette double caractéristique de notre fiscalité remonte loin dans le passé. Elle constitue même une véritable permanence depuis l’indépendance. On le mesure, en même temps que la constance des arguments et des contre-arguments invoqués à son propos, à la lecture de la grande synthèse que Simon Watteyne (Université libre de Bruxelles) a consacrée à cet épineux sujet, de 1830 à la réforme de 1962, base du système toujours en vigueur [1]. Même les contradictions à l’origine du blocage de l’actuel gouvernement fédéral font écho, à bien des égards, aux principes généraux naguère en affrontement.

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