Eugène Ysaÿe tenait la corde

De l’Amérique à l’Oural, le rayonnement international du violoniste, chef d’orchestre et compositeur a fait de lui un ambassadeur de la musique belge. D’une influence durable dans le monde des interprètes, à cheval sur le classicisme et la modernité, il a aussi laissé un opéra singulier en wallon liégeois (1858-1931)

Eugène Ysaÿe dessiné par Berteaux (Hippolyte ?) en 1885, avec une dédicace à Guillaume Lekeu. (Source: Bibliothque royale de Belgique, Mus. Obj. 368, détail; n. 1, p. 36)

  Le 31 juillet 1892, le Washington Post annonce qu’Eugène Ysaÿe, « le célèbre violoniste belge, sera entendu en concert dans les principales villes américaines pendant la prochaine saison » . Deux ans plus tard, le 22 juillet 1894, le même journal fait écho à la réputation de l’artiste belge « d’être un des principaux, si pas le plus grand violoniste en vie » . Et pour que son nom ne soit pas – trop – martyrisé, l’article précise qu’il se prononce « Easy » !

   Le 31 mars 1899, L’Indépendance belge décrit le délire suscité à Berlin par la présence de notre compatriote. A l’issue de son concert, « des douzaines de gens, surtout des dames, se ruèrent vers le couloir des artistes, entourèrent le grand virtuose en poussant des hoch et des hourrahs, lui firent escorte en le serrant de près et lui prenant les mains, puis manifestèrent bruyamment autour de la voiture qui l’emmenait » . Rien d’étonnant si la vedette figure aussi « parmi les interprètes favoris du public anglais » et de celui de bien d’autres pays. Et si elle peut s’appuyer sur un réseau international considérable de musiciens, d’imprésarios, d’éditeurs…   

   A l’aide notamment de la correspondance d’Ysaÿe et de documents inexploités de toute nature, la musicologue Marie Cornaz, conservatrice des collections musicales de la Bibliothèque royale et maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles, a mené à bien la première biographie scientifique complète de cette figure emblématique [1]. Une mesure parmi d’autres de son rayonnement: rien que ses voyages mentionnés dans le présent ouvrage – qui ne peut être exhaustif –représentent un demi-million de kilomètres effectués en train, en bateau ou en voiture (p. 274).

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