Chasse aux « traîtres » chez les sociaux-chrétiens

L’effacement de Léopold III malgré la majorité qui s’était exprimée en sa faveur a plongé le PSC-CVP dans une crise profonde. Une commission interne fut mise en place pour enquêter sur les responsabilités des ministres et dirigeants secrètement opposés au Roi. Mais le grand coup de balai n’a pas eu lieu (1950)

Placé dans « l’impossibilité de régner » et de rentrer au pays depuis la guerre, Léopold III pourra-t-il revenir et reprendre ses prérogatives constitutionnelles ? Le 12 mars 1950, au cours d’une consultation populaire, 57,68 % des électeurs belges répondent « oui » à la question. Le score varie grandement selon les régions, mais l’Etat étant alors unitaire, il n’existe pas d’obligation de résultat dans chaque groupe linguistique. Le scrutin législatif organisé le 4 juin suivant confirme du reste la tendance en conférant une majorité absolue – la dernière de notre histoire – au Parti social-chrétien – Christelijke Volkspartij (PSC-CVP) , qui s’est officiellement engagé à rendre au Roi sa couronne. Etant la seule des trois formations de pouvoir à défendre cette position, il a accueilli des candidatures et récolté des voix de nombreux léopoldistes appartenant à d’autres courants philosophiques ou politiques. Dès le scrutin suivant, ceux-ci renoueront avec leur famille d’origine ou se rallieront à des listes dissidentes. En ce sens, le très usité slogan « Léopold III roi du PSC » opère sur une vue tronquée.

Et pourtant, c’est sous la responsabilité du gouvernement social-chrétien homogène dirigé par Jean Duvieusart qu’est décidé, les 31 juillet et 1er août, l’effacement du Souverain en faveur du prince héritier. Continuer à lire … « Chasse aux « traîtres » chez les sociaux-chrétiens »

Léopold III en questions

Les défenseurs du Souverain soulignent l’importance des données psychologiques aux origines de la crise royale. La rupture avec le gouvernement, l’entrevue avec Hitler, le remariage… ont été matières à griefs mais le Roi, en restant sur le territoire national, a fait barrage à l’instauration d’un régime dirigée par les SS (1939-1951)

PASBEL20170603
Revue des troupes dans les années 1930. (Source: général Robert Close, « Léopold III, les « non-dits »  » , Bruxelles, Ligne claire, 2001, hors-texte)

   Même avec le recul du temps, Léopold III demeure un sujet touchy. Qu’on le veuille ou non, le réflexe persiste, quand sont évoqués des faits qui le concernent, de les classer à sa charge ou à sa décharge, même s’il n’en put mais. Les questions posées ne changent pas et survivent aux réponses fournies de longue date mais trop nuancées pour séduire le café du commerce. Elever le débat est l’ambition du Cercle Léopold III, créé en 2002 sous le haut patronage de la princesse Maria Esmeralda. Oui, on y défend l’honneur d’un Roi, mais en recherchant sincèrement la vérité, même si elle doit conduire à mettre des bémols au bilan du règne.

   La démarche a débouché sur un ouvrage collectif [1], qui ne risquait certes pas d’être un nouveau pamphlet politicien, mais se trouve tout aussi éloigné des hagiographies trop ferventes. L’intention une fois saluée, regrettons qu’elle soit desservie par quelques scories, comme l’emploi de l’expression incongrue de « Rois de Belgique » (pp. 23, 32) ou l’ample recours au « journal des événements » (p. 34) du général Raoul Van Overstraeten, aide de camp puis conseiller militaire, sans préciser que ce prétendu journal ne fut pas écrit au jour le jour mais largement reconstruit ultérieurement [2].

   L’ensemble s’articule aux interrogations les plus récurrentes adressées à l’association au cours des années 2012 à 2014. Sans surprise, c’est le remariage qui est arrivé en tête de liste (30 %), suivi de l’attitude à l’égard des questions humanitaires et du sort des Juifs (15 %), puis – à égalité (10 %) – de la politique d’indépendance et de neutralité, de l’entrevue de Berchtesgaden avec Hitler, de la déportation du Roi à la fin de la guerre (parfois présentée comme volontaire) et de l’abdication (parfois perçue comme une faiblesse). En queue (5 %) viennent la décision de capituler le 28 mai 1940, le choix de rester en Belgique plutôt que de suivre les ministres et les activités du « Roi prisonnier » sous l’occupation. Sur chacun de ces points sont proposés des dossiers bien étayés par l’historiographie et divers témoignages.

Continuer à lire … « Léopold III en questions »