Des cruches aux têtes de pipe: l’or blanc du Condroz

De l’époque gallo-romaine au XXè siècle, « l’argile qui cuit blanc » (derle) a nourri une abondante production dans les pays mosans et condruziens. En terres d’Andenne, les poteries, faïences, porcelaines et autres pipes ont assuré longtemps l’existence d’une bonne partie de la population

   Au printemps 1542, les batteurs et fondeurs de cuivre de Bouvignes sont à couteaux tirés avec le couvent de la Sainte-Croix de Dinant. Motif: les premiers accusent les seconds de venir puiser de la derle, dont ils ont le monopole, dans le comté de Namur (Dinant se trouvant alors en principauté de Liège). Le prieur des croisiers nie formellement et les sources disponibles ne nous permettent pas de trancher. Mais le cas donne la mesure de l’enjeu. La derle, cette terre argileuse dont se servent potiers et céramistes, utilisée également pour fabriquer des moules, a pu être au centre de bien d’autres conflits, endémiques depuis le XIIIè siècle, entre les deux villes économiquement concurrentes.

   Pour la cité d’Andenne et ses environs, jusqu’à la vallée du Samson, li dièle fait pratiquement figure de poule aux œufs d’or pluriséculaire. L’argile abonde en bien d’autres zones au long de la Meuse, certes, et le sol andennais regorge aussi de minerais et d’autres matériaux – à tel point qu’on a pu le qualifier de « scandale géologique » . Mais « l’argile qui cuit blanc » est particulièrement rare, donc précieuse. Elle a nourri ces « vingt siècles de céramiques locales » sur lesquels les savoirs pluridisciplinaires ont été rassemblés dans un ouvrage collectif, prolongement durable d’une exposition temporaire qui vient de fermer ses portes au musée de la Céramique d’Andenne [1].

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