Pas de Nuremberg pour les crimes de la Grande Guerre

Aucun responsable des atrocités commises en Belgique n’a été effectivement puni. Le renoncement aux extraditions et la clémence de la Cour suprême de Leipzig n’ont laissé place qu’à des jugements par contumace. La préservation de la paix et la stabilité de la République allemande menacée par le bolchevisme étaient plus impératives (1919-1926)

Après l’armistice de 1918, les Alliés victorieux réclamèrent l’extradition de quelque 3000 Allemands accusés de crimes de guerre. Parmi eux, pas moins de 1058 avaient à répondre de faits commis en Belgique. Mais les résultats, au bout de sept années de démarches et de procédures, tinrent du déni de justice: des arrestations en territoires allemands occupés, un très petit nombre de procès devant la Cour suprême de Leipzig et surtout des procès par contumace en France et en Belgique. Chez nous, ces derniers s’élevèrent à 153, mais aucun criminel ne fut effectivement puni. Le prétendu « diktat de Versailles » , objet de tant de ressentiments outre-Rhin, doit être sérieusement relativisé sur ce plan…

Dans notre pays qui avait eu à subir le plus grand nombre d’atrocités et de destructions, commises en outre après la violation de son statut de neutralité, ce piètre bilan n’a pas manqué de choquer. Eduard Clappaert et Martin Kohlrausch (Katholieke Universiteit te Leuven) ont entrepris d’expliquer, en suivant pas à pas l’action menée par la diplomatie belge, comment la montagne accoucha d’une souris [1]. Leur étude, reposant principalement sur la thèse défendue par le premier nommé, démontre, si besoin en était, que les exigences de l’équité pèsent souvent bien peu face aux impératifs de la politique. Continuer à lire … « Pas de Nuremberg pour les crimes de la Grande Guerre »

La Belgique, foyer du droit international

Le dernier tiers du XIXè siècle a vu naître une expertise belge et une première institutionnalisation de la discipline, à la faveur du statut de neutralité du pays. Après la Première Guerre mondiale, Bruxelles a participé activement aux nouvelles instances internationales, non sans âpres débats entre pacifistes et réalistes (1869-1940)

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Auguste Beernaert, Prix Nobel de la Paix en 1909. (Source: dessin d’Eugène Broerman, 1907,  dans Henry Carton de Wiart, « Beernaert et son temps » , Bruxelles, La Renaissance du livre, 1945, p. 4)

   Au cours de la décennie qui a précédé la Première Guerre mondiale, on a pu se faire une gloire en Belgique d’avoir totalisé pas moins de trois Prix Nobel de la paix. En 1904, celui-ci était octroyé à l’Institut de droit international (IDI), fondé à Gand en 1873. En 1909, l’homme d’Etat catholique et ancien chef du gouvernement Auguste Beernaert était couronné pour son action internationale. En 1913, à l’autre bout de l’échiquier politique, c’était au tour du socialiste Henri Marie La Fontaine de se voir accorder la même récompense en tant que cofondateur et président du Bureau international de la paix. Ultérieurement, seul le père Dominique Pire est venu, en 1958, ajouter un nom belge à la liste.

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Henri Marie La Fontaine, Prix Nobel de la Paix en 1913. (Source: https://www.nobelprize.org/prizes/peace/1913/fontaine/biographical/)

   Ce brillant palmarès n’est certes pas étranger au statut de neutralité imposé avant 1914 à un pays qui, par ailleurs, ne se souvenait que trop des lourds tributs payés dans le passé pour avoir été un « champ de bataille de l’Europe » . Aussi, loin de se limiter à ces destinataires des lauriers du comité norvégien, notre contribution à la quête de relations mieux ordonnées entre nations a-t-elle pris, dès le dernier tiers du XIXè siècle, assez d’ampleur pour qu’on puisse parler d’ « un laboratoire belge du droit international » (public, sera-t-il précisé plus tard). Même avec de prudents guillemets et un point d’interrogation, Vincent Genin, assistant au département des sciences historiques de l’Université de Liège, a retenu cette formulation dans le titre de sa thèse de doctorat soutenue le 18 janvier 2017 [1]. Et les raisons ne manquaient pas, indépendamment de tout chauvinisme.

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