Versailles 1919: l’échec de la « grande Belgique »

Michel Auwers en déplace la responsabilité des politiques vers les « jeunes loups » de la diplomatie formés à l’école de Léopold II. En opposition à son successeur et à la tradition neutraliste belge, leur agenda annexionniste visant nos voisins s’est heurté à un air du temps peu favorable à la quête d’agrandissements territoriaux (1914-1920)

   « Adieu, veau, vache, cochon, couvée! » … Au terme des négociations qui aboutissent au traité de Versailles, signé le  28 juin 1919, la Belgique obtient un morceau de la Rhénanie, qui constitue aujourd’hui notre Communauté germanophone, un mandat d’administration des ex-colonies allemandes du Ruanda-Urundi (futurs Rwanda et Burundi), la fixation des réparations dues par le Reich vaincu ainsi que la fin du statut de neutralité obligatoire. C’est beaucoup moins que les rêves nourris, au cours de la Grande Guerre, dans des milieux nullement marginaux et jusque dans les sphères gouvernementales: rêves d’un retour aux frontières d’avant 1839, rêves lorgnant vers le Grand-duché de Luxembourg, le Limbourg hollandais et l’embouchure de l’Escaut, voire davantage encore.

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La « Wallonie prussienne », notre Alsace-Lorraine

Les territoires qui constituent nos actuels cantons de l’Est furent réclamés par la Belgique à titre de réparations de guerre ainsi que pour des raisons historiques et stratégiques. L’adjectif « rédimé » a pu faire écho à la fois à une compensation matérielle et à la fin d’une domination étrangère (1914-1920)

   Par les articles 32, 33 et 34 du traité de Versailles, entrés en vigueur à partir du 10 janvier 1920, les territoires d’Eupen, de Malmedy, de Saint-Vith et de Moresnet neutre (La Calamine) ont été transférés de l’Allemagne à la Belgique. L’article 34 stipulait en outre qu’une consultation de la population devait être organisée au moyen de registres ouverts à Eupen et à Malmedy. La procédure fut très formelle et contestée, mais aux yeux du gouvernement belge et, sans doute, d’une grande partie de l’opinion du temps, cet agrandissement du pays, du reste nettement moindre qu’espéré au départ, était tout sauf arbitraire.

   Comme le rappelle Philippe Beck (Université du Luxembourg et Université catholique de Louvain), la position patriotique dominante pendant et après la Grande Guerre impliquait que soient rectifiées, au moins en partie, les frontières tracées par les traités de 1815 et 1839 [1]. « L’injustice » de 1815, visant l’Allemagne vaincue, était évidemment plus audible par les puissances alliées que celle de 1839, qui mettait en cause les Pays-Bas neutres ainsi que le Grand-duché de Luxembourg envahi par l’ennemi.

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Pas de Nuremberg pour les crimes de la Grande Guerre

Aucun responsable des atrocités commises en Belgique n’a été effectivement puni. Le renoncement aux extraditions et la clémence de la Cour suprême de Leipzig n’ont laissé place qu’à des jugements par contumace. La préservation de la paix et la stabilité de la République allemande menacée par le bolchevisme étaient plus impératives (1919-1926)

Après l’armistice de 1918, les Alliés victorieux réclamèrent l’extradition de quelque 3000 Allemands accusés de crimes de guerre. Parmi eux, pas moins de 1058 avaient à répondre de faits commis en Belgique. Mais les résultats, au bout de sept années de démarches et de procédures, tinrent du déni de justice: des arrestations en territoires allemands occupés, un très petit nombre de procès devant la Cour suprême de Leipzig et surtout des procès par contumace en France et en Belgique. Chez nous, ces derniers s’élevèrent à 153, mais aucun criminel ne fut effectivement puni. Le prétendu « diktat de Versailles » , objet de tant de ressentiments outre-Rhin, doit être sérieusement relativisé sur ce plan…

Dans notre pays qui avait eu à subir le plus grand nombre d’atrocités et de destructions, commises en outre après la violation de son statut de neutralité, ce piètre bilan n’a pas manqué de choquer. Eduard Clappaert et Martin Kohlrausch (Katholieke Universiteit te Leuven) ont entrepris d’expliquer, en suivant pas à pas l’action menée par la diplomatie belge, comment la montagne accoucha d’une souris [1]. Leur étude, reposant principalement sur la thèse défendue par le premier nommé, démontre, si besoin en était, que les exigences de l’équité pèsent souvent bien peu face aux impératifs de la politique. Continuer à lire … « Pas de Nuremberg pour les crimes de la Grande Guerre »