Lentement mais sûrement, la féminisation du personnel politique

En 1979, tous les ministres sauf un étaient des hommes et on comptait 7,5 % de femmes élues à la Chambre. Après le scrutin de 2019, 43,3 % des députés et la moitié des ministres appartiennent au sexe qu’on n’appelle plus faible. Ces changements ne se sont pas opérés sans contraintes soulevant des questions constitutionnelles (1965-2023)

   Le 28 juillet 1965 entrait en fonction, avec l’installation du gouvernement Harmel, la première femme ministre de notre histoire. Il s’agissait de Marguerite De Riemacker-Legot, sociale-chrétienne flamande, en charge de la Famille et du Logement. Un portefeuille pas très régalien, dira-t-on, mais qui pouvait imaginer en ce temps qu’un jour nous aurions une ministre de la Défense nationale – Ludivine Dedonder (socialiste) actuellement –, alors que la carrière militaire et le service obligatoire concernaient les hommes seuls ? Et même si ce ne fut que pour onze mois, le passage de Sophie Wilmès (libérale) au 16, rue de la Loi, siège du Premier ministre, entre le 27 octobre 2019 et le 1er octobre 2020, sera lui aussi considéré comme un précédent symbolique.

   La féminisation croissante du personnel politique belge, surtout depuis le dernier quart du XXe siècle, constitue un trait suffisamment saillant pour retenir l’attention, indépendamment de tout sacrifice à la mode des études de genre. Julien Pieret et Joëlle Sautois (Université libre de Bruxelles, centre de recherche de droit public) ont récemment retracé les étapes du processus en s’interrogeant sur le rôle qu’a pu jouer – ou non – l’existence de normes contraignantes en la matière [1].

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Quand les cantons de l’Est penchaient vers l’Allemagne

Dans les années ’30, le parti qui réclamait le « retour à la patrie » sortait vainqueur des élections. Après la guerre, il a fallu attendre le début des années ’70 pour qu’une formation à revendication régionaliste s’impose de nouveau. Mais plus question de sortir du cadre belge (1920-2020)

   Autant le dire tout de go: pendant la décennie qui a précédé la Seconde Guerre mondiale, la vie politique dans nos cantons de l’Est était dominée par une vague résolument antibelge. Aux élections législatives de 1929, le Christliche Volkspartei Eupen-Malmedy-Sankt Vith (Parti populaire chrétien, CVP), qui vient de se constituer et réclame une consultation populaire sur le retour à l’Allemagne, se hisse d’emblée à la première place avec 52,1 % des suffrages. Il la garde en 1932, même s’il est en recul avec 45,9 %. En 1935 lui succède le Heimattreue Front (Front de la fidélité à la patrie, HF), ouvertement soutenu et financé par le Troisième Reich. Dans l’incapacité de se présenter en 1936 après la déchéance de nationalité de plusieurs de ses responsables – dont Josef Dehottay, ex-figure de proue du CVP –, il peut pourtant crier victoire, près de la moitié des électeurs ayant suivi son appel à voter blanc ou nul. Et quand les zélateurs du national-socialisme sont en mesure de participer au scrutin, en 1939, ils en sortent numéro un avec 45,7 % des voix.

   Ces données, parmi beaucoup d’autres, ont été rassemblées par l’historien Cédric Istasse, rédacteur en chef du Courrier hebdomadaire du Crisp, dans une analyse des quinze élections à la Chambre des représentants organisées dans la future Ostbelgien de 1925 à 1974 [1].

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La personne en avant, le parti derrière

L’individualisation apparaît comme le maître mot dans l’évolution récente des campagnes électorales, liée notamment à l’obligation de présenter des candidats différents à tous les niveaux. Le processus est allé de pair avec le recours à des célébrités extérieures au sérail politique. Mais la particratie garde la haute main (2007-2014)

Quand on considère l’histoire politique de la Belgique au cours des dernières décennies, quelques grands bouleversements viennent aussitôt à l’esprit: le clivage communautaire, la médiatisation, le multiculturalisme, la dilution des idéologies classiques, l’effritement des « piliers » d’appartenance (catholique, socialiste, libéral), la volatilité de l’électorat, mais aussi la personnalisation des pouvoirs comme des oppositions. « Les hommes politiques et les dirigeants politiques doivent de plus en plus s’expliquer sur leur tempérament, leurs antécédents et leur vie privée, soulignent Alain Meynen et Els Witte. La présentation, la représentation et la perception occupent une position plus centrale dans le message politique, ce qui s’explique naturellement dans une large mesure par le rôle accru de la communication et des professionnels du marketing » [1].

A l’aide d’une enquête comparative menée sur les candidats aux élections fédérales de 2007, 2010 et 2014 (Comparative Candidate Survey, CCS), deux professeurs et un chercheur de l’Université catholique de Louvain ont entrepris d’analyser de plus près les déterminants de ladite personnalisation [2]. On notera que l’ouvrage collectif dans lequel s’insère leur travail fait usage, dès son titre, d’un concept souvent considéré comme polémique mais qui se trouve validé en politologie: la particratie ( « the Belgian Partitocracy » )…

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