L’étrange asile de Guillaume II aux Pays-Bas

La solidarité dynastique entre les Orange et les Hohenzollern a permis au Kaiser, venant de Spa, de s’établir chez nos voisins du nord. Un asile lourd de conséquences diplomatiques, dont Beatrice de Graaf montre qu’il ne fut pas improvisé mais précédé de contacts secrets noués entre La Haye et Berlin, d’abord en vue d’une paix négociée (1918)

Dimanche 10 novembre 1918, vers six heures du matin. Au poste frontière limbourgeois d’Eisden, le dernier Roi de Prusse et Empereur d’Allemagne demande à être admis aux Pays-Bas. La décision ne tarde pas: il est autorisé à entrer en tant que « personne privée » . Dans le train spécial de ce particulier pas très ordinaire se trouve une suite de septante personnes, dont une vingtaine de militaires du Sturm-Bataillon Rohr… La veille, au Grand Quartier général installé à Spa, l’entourage de Guillaume II l’a convaincu qu’il devait partir, notamment pour préserver sa sécurité. Berlin est alors en proie à la révolution et, selon la relation que le prince héritier fera des événements, le bruit court que des communistes partis de Verviers sont en route pour la ville d’eaux.

Du côté néerlandais, l’arrivée du convoi impérial sera longtemps présentée comme une surprise complète, prenant les autorités au dépourvu, les plaçant devant le fait accompli. Mais cette version est aujourd’hui mise à rude épreuve. En s’appuyant notamment sur des archives diplomatiques étrangères, et comblant ainsi les lacunes des sources nationales sur ce sujet, l’historienne Beatrice de Graaf, professeur à l’Université d’Utrecht, arrive à la conclusion que La Haye ne s’est pas contentée de « voir venir » [1].

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Comment le Deuxième Reich est tombé à Spa

Centre de convalescence et de repos pour l’armée allemande, Spa a subi l’omniprésence de l’occupant, encore accrue par l’installation, en mars 1918, du Grand Quartier général et du Kaiser. La décision de demander l’armistice et l’abdication ont eu pour cadre la cité thermale, qui sera aussi un haut lieu des négociations de l’après-guerre (1914-1920)

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« Vous souvenez-vous de moi ? » demande l’Allemand. « J’ai fait de ce lieu mon quartier général il y a quelque temps, mais j’ai dû le quitter assez précipitamment » . A quoi la Spadoise en costume traditionnel répond: « Je n’ai pas oublié. Je vous ai gardé votre note ». (Source: caricature parue dans « Punch, or the London Charivari » , 5 mai 1920; n. 1, p. 132)

La province de Liège avait subi le premier choc de la Grande Guerre en août 1914. C’est aussi sur son sol que s’est joué le dernier acte avant l’armistice du 11 novembre 1918. De Spa, où le Grand Quartier général allemand était installé depuis mars, sont partis les émissaires allemands à destination de la forêt de Compiègne pour y négocier l’arrêt des hostilités. A Spa aussi, où l’empereur Guillaume II avait rejoint ses officiers, a été décidée son abdication, suivie de son exil aux Pays-Bas. A l’approche du centenaire de ces événements, une exposition accompagnée d’une publication en font mémoire au Pouhon Pierre-le-Grand, sous l’égide du musée de la Ville d’eaux [1].

Pourquoi Spa ? Dans ses Souvenirs de guerre, le général Erich Ludendorff, artisan de l’attaque sur Liège, devenu quartier-maître général du chef du grand état-major, le maréchal Hindenburg, invoque deux raisons: l’importance du parc immobilier offrant « avec Verviers, assez de place pour tous les départements de la direction suprême de l’armée » , et la nécessité de se rapprocher des « points les plus importants du front ouest » (cité p. 60). C’est à l’hôtel Britannique, où un abri antiaérien a été aménagé dans les caves, que s’installe l’état-major. Hindenburg et Ludendorff y ont leurs bureaux. Le Kaiser dispose pour sa part notamment de la villa Le Neubois, également dotée d’un abri, et du château de la Fraineuse, mais c’est de son train luxueusement meublé et stationné à la gare que le Souverain, grand voyageur, a fait sa résidence principale.

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