La Belgique au tournant du millénaire

Une Belgique différente de celle d’aujourd’hui mais guère plus tranquille, qui a vu l’Etat se faire moins providentiel, la défiance s’instaurer envers toutes les autorités et le bouleversement du paysage politique s’amorcer avec la montée des extrêmes, le déclin de la famille sociale-chrétienne et la naissance de la N-VA (1989-2004)

Le temps du Nouvel An est propice aux regards rétrospectifs. Celui qui va suivre est inspiré par la relecture d’un Etat de la Belgique au tournant de notre siècle, et même de notre millénaire, entré à présent dans sa vingtième année [1]. Publié en 2004, l’ouvrage avait pour auteurs un aréopage d’historiens, politologues, économistes, journalistes, juristes…, réunis pour donner un épilogue à la collection « Pol-His » et à sa trentaine de livres consacrés à la Belgique de l’après-1945.

Le point de départ est ici 1989, dont datent des réformes institutionnelles décisives chez nous et l’effondrement du communisme derrière le rideau de fer, avec ses répercussions sur la construction européenne. Le point d’arrivée est moins signifiant: 2004, soit à mi-parcours des gouvernements Verhofstadt (1999-2008), le deuxième ayant été formé à la suite des élections de mai 2003. Dans cet intervalle, il ne manque pas d’événements ou de processus dont les prolongements sont constitutifs de notre actualité ou qui, à l’inverse, contrastent singulièrement avec elle. Nos remarques seront forcément sélectives.

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Le chef de cabinet qui voulait une royauté renforcée

Principal conseiller politique d’Albert Ier et resté en fonction sous Léopold III, Louis Wodon s’est fait le théoricien d’une restauration du pouvoir exécutif, mettant fin aux abus des partis et conférant une position centrale au Souverain, tout en respectant la Constitution de 1831 et les libertés fondamentales (1926-1942)

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Louis Wodon dessiné dans « L’Appréciation » , un périodique économique et financier édité à Schaerbeek, le 1er mars 1933. (Source: n. 1, p. 99)

« Mon cher M. Wodon, je ne puis assez vous dire combien j’apprécie hautement votre concours, la sagesse et la clarté de vos conseils » . Ainsi s’exprime Albert Ier, le 13 août 1933, dans une lettre adressée depuis Lucerne en Suisse à son chef de cabinet. Ce n’est là qu’une des nombreuses marques d’affection du Roi envers celui qui est entré à son service en 1926 et restera en fonction sous son successeur jusqu’à sa pension, en 1938.

Docteur en droit, professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB), directeur de l’école de Commerce Solvay, secrétaire général du ministère des Affaires économiques, Louis Wodon (1868-1946) a certes rejoint le monde des hauts dignitaires de la Cour en affichant une belle palette de compétences. Mais il s’est aussi révélé un prolifique lanceur d’idées, en faveur notamment d’une réforme de l’Etat par laquelle « l’ordre dans le droit » serait restauré et la fonction royale (re)trouverait une place centrale. Ces conceptions ont été exprimées, non sans soulever des vagues, dans une étude publiée en 1942 par la classe des lettres de l’Académie royale. Elles sont surtout détaillées dans de nombreux avis et notes conservés aux Archives du Palais. Ceux-ci constituent les sources principales de l’étude que Linde Declercq (Universiteit Gent) a consacrée à la pensée « wodonienne » [1].

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