A travers le cas d’Anvers, il apparaît que l’existence ou non d’un important éclairage de rues n’induit pas de différences importantes dans les rythmes du travail, du loisir et du sommeil. Les activités nocturnes sont bien antérieures à la diffusion des réverbères. Et leur absence est sans influence sur la minorité des noctambules (XVIIIe siècle)
S’il faut en croire l’écrivain Sir Richard Steele, qui vécut au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, « près des deux tiers de la nation » (anglaise) « avaient laissé les affaires et les plaisirs envahir les heures de repos » . La cause de ce changement dans les habitudes ? La nuée des réverbères érigés dans les rues des cités à cette époque… Mais faut-il prendre le propos pour argent comptant ? Selon Gerrit Verhoeven (Université d’Anvers, Musées royaux d’art et d’histoire), dont la démonstration repose sur le cas anversois, il faut y apporter plus d’une nuance [1].
Apparues à partir de la fin de l’Ancien Régime, les sociétés littéraires ont offert aux élites sociales des lieux de lecture, de jeux et de conversation, soigneusement à l’écart des combats politiques ou philosophiques et non sans opportunisme vis-à-vis des pouvoirs. C’est peut-être le secret de leur longévité (1775-2025)
Fondée en 1775, la Société royale du Cabinet littéraire de Verviers fête cette année rien moins que ses 250 ans d’existence. L’occasion de se demander comment et pourquoi ce cercle voué à l’agrément et à la culture des élites a vu le jour, avec beaucoup d’autres présentant les mêmes caractéristiques au même moment [1].
Le style et l’équipement des cafés populaires de l’Entre-deux-guerres correspondent à une longue tradition sur laquelle viennent se greffer quelques éléments plus modernes. On a plus souvent l’électricité que l’eau courante… Une mine d’informations glanées dans les dossiers pénaux de la Flandre-Orientale (1932-1938)
« Le meilleur siège, les consommations les plus fines, ne seront appréciés parfaitement que si la décoration de l’établissement est franchement agréable » . La revue architecturale Bâtir insistait en ces termes, dans les années ’30 du siècle dernier, sur l’importance, pour assurer le succès d’un café, de l’aménagement intérieur, en même temps bien sûr que de la personnalité du patron ou de la patronne. Investir ce champ n’est toutefois pas chose aisée pour l’historien. Si les lieux emblématiques sont généralement bien documentés, il en va tout autrement pour les débits de boissons ordinaires.
Marjan Sterckx (Université de Gand) est pourtant parvenue à forcer l’entrée de ces foyers de sociabilité populaire [1]. L’originalité de son étude est de reposer sur les archives judiciaires, plus précisément sur les photographies légales et les plans de scènes de crimes qu’elles contiennent. L’alcoolisme aidant, les bistrots ont alimenté plus souvent qu’à leur tour la rubrique des faits divers des journaux! Après échantillonnage, la chercheuse a retenu dix dossiers d’assises de la province de Flandre-Orientale pour la période 1932-1938, conservés aux Archives générales du Royaume à Gand. L’ambition n’a pas été d’aboutir à un tableau pleinement représentatif, mais d’au moins déblayer la question.
Ses paysages d’hiver brabançons sont bien un reflet du Petit Age glaciaire, mais l’accent mis sur les aspects poétiques et ludiques de la neige et du gel correspond au regard de commanditaires citadins qui ne souffraient pas des rigueurs du temps. Les sujets greffés révèlent aussi l’intention morale et spirituelle de l’artiste (1563-1566)
Le « Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux » de Pieter Bruegel l’Ancien (huile sur bois, 37 x 55,5 cm, 1565): une vision qui n’est pas que ludique. (Source: musée royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 8724; n. 1 pp. 54-55)
Spectaculaires ont été les progrès de la recherche en histoire climatique ces dernières décennies. On sait aujourd’hui qu’après une période médiévale globalement chaude, particulièrement du Xè au XIIIè siècle, le décor change à partir du XIVème: on entre alors dans ce qu’il est convenu d’appeler le Petit Age glaciaire, qui durera jusqu’au milieu du XIXè siècle. Bien entendu, il s’agit là de moyennes, n’excluant pas des variations régionales et saisonnières considérables. Même la tendance générale peut connaître des hauts et des bas. C’est le cas pour un réchauffement sensible intervenu entre 1450 et 1550. La relance du froid qui a suivi cette phase retiendra ici notre attention, car c’est d’elle que sont demeurées emblématiques les célèbres scènes d’hiver de Pieter Bruegel dit l’Ancien. Leur contexte, leur contenu et leur interprétation ont fait l’objet, à l’occasion du 450è anniversaire de la mort du peintre flamand (1569), d’un ouvrage collectif des plus exhaustifs, dirigé par Tine Luk Meganck et Sabine van Sprang, spécialistes attachées aux musées royaux des Beaux-Arts de Belgique [1]. Continuer à lire … « Bruegel, témoin du refroidissement climatique »
Les quartiers articulés autour du Cantersteen sont au centre des loisirs des élites à Bruxelles à la fin du siècle des Lumières. Mais dans des parcs de la ville se pratique aussi la chasse, la marche à pied est une tendance émergente et les progrès accomplis en matière de pavage des routes incitent à se déplacer davantage « en province » (1760-1790)
Où vit-on, que fait-on, comment se déplace-t-on, où se rend-on quand on appartient aux classes sociales les plus aisées dans la Bruxelles des dernières décennies du XVIIIè siècle ? Sans surprise – car est-ce tellement différent aujourd’hui ? –, les réponses à ces questions font rapidement ressortir une distribution de l’espace urbain entre ceux qui appartiennent à la haute société et les autres.
Pour son mémoire de master en histoire présenté à l’ULB, Elodie Basso a quantifié et traité cartographiquement les données contenues dans les journaux personnels, les carnets, les mémoires ou la correspondance de six membres de l’élite ayant résidé dans la capitale économique, culturelle et politique des Pays-Bas autrichiens [1]. Résidant majoritairement à l’est de la Senne ou au sud-est de l’enceinte, les auteurs de ces ego-documents, quand ils se déplacent, se rendent pour l’essentiel dans les quartiers articulés autour du Cantersteen où la chercheuse voit le centre de « la probable carte mentale des élites » . C’est le lieu du luxueux hôtel d’Angleterre, des belles boutiques et des marchés, de la sociabilité et aussi de nombre d’activités professionnelles. Autour, dans un rayon d’environ 600 mètres, se trouvent la collégiale Sainte-Gudule, la Grand-Place et le palais du gouverneur général Charles de Lorraine. The places to be, dirait-on de nos jours… La palme revient sans doute au théâtre de la Monnaie, que fréquentent les auteurs des six sources analysées. « Son activité était si intense, rapporte Elodie Basso, qu’un règlement de circulation fut établi à ses alentours en raison du désordre provoqué par les carrosses des spectateurs » . Les pics de circulation se situent entre 9 et 10 heures du matin pour le travail, le culte, la promenade ou le shopping, entre 18 heures et 18 heures 30 sur les voies conduisant aux théâtres, aux salons ou aux dîners des nombreux notables qui tiennent table ouverte. Il fait calme entre 13-14 heures et 16 heures, temps du repas de midi volontiers prolongé. Après 18 heures, aucun déplacement pédestre de membres de la bonne société n’est recensé: la réputation d’insécurité des rues est bien établie.