La nation belge, une idée qui faisait son chemin

Elle est devenue prévalente lors du soulèvement contre le « despote éclairé » Joseph II et la constitution des Etats belgiques unis. Les forts particularismes provinciaux n’ont pas empêché l’unité. Ce sont bien davantage les divisions politiques qui ont conduit à l’échec de notre première indépendance (1789-1790)

   D’un doctorat défendu à l’Université d’Edimbourg nous est venu un démenti, un de plus, à l’idée encore si répandue qui veut que notre histoire n’ait démarré qu’en 1830. Son auteur, Jane C. Judge, née en Belgique où elle a passé ses neuf premières années, a ramassé à la pelle les traces d’une identité affirmée en revisitant l’épisode de la Révolution brabançonne de 1789-1790. Un épisode qu’il serait pour elle plus adéquat d’appeler « la première Révolution belge » [1].

   « Les doutes sur la nation belge existent, mais pas parce que la Belgique serait une construction artificielle » , note l’historienne (p. 261) qui voit dans cette perplexité cultivée une projection du présent sur le passé ou, dirions-nous en termes orwelliens, d’une réécriture de l’histoire dictée par la conjoncture politique. D’autres chercheurs, tel Sébastien Dubois [2], ont montré qu’une conscience nationale moderne était déjà en formation dans les Pays-Bas méridionaux. L’insurrection de la plupart de nos provinces contre le « despote éclairé » Joseph II confirme et consolide cette conscience. « Le moment révolutionnaire est le moment au cours duquel la « belgianité » plutôt que les différenciations provinciales est devenue une identification prévalente » (p. 23).

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De tous les peuples de la Gaule…

L’éloge de la bravoure des Belges par Jules César ainsi que ses descriptions des lieux et des peuples ont alimenté le patriotisme bien avant le XIXè siècle « nationalitaire » et romantique. Dès l’époque bourguignonne, des lettrés et des érudits ont cherché dans ce passé lointain l’unité précoce et la constance résistante de notre histoire

« La Garonne sépare les Celtes [Gaulois] des Aquitains, la Marne et la Seine les séparent des Belges. De tous ces peuples, les Belges sont les plus braves, parce qu’ils sont les plus éloignés de la culture et de la civilisation de la Province [romaine]… » L’historien Jean Lejeune, qui fut un de mes professeurs à l’Université de Liège, rapportait volontiers l’anecdote de l’écrivain Charles Bernard dont le professeur de latin, arrivé à ce passage célèbre des Commentaires sur la guerre des Gaules de Jules César [1], ajoutait: « Debout, Messieurs, saluez!  » [2]

Bien qu’elles ne soient ni scientifiquement, ni politiquement correctes, les filiations établies entre les Gaulois et les Français, les Germains et les Allemands, les Helvètes et les Suisses, les Romains et les Italiens… ou les Belges et les Belges ont la vie dure. Il est courant d’en rechercher l’origine dans l’historiographie romantique du XIXè siècle. Il faut en réalité remonter le courant beaucoup plus loin, ainsi que l’a établi un travail de fin d’études présenté à la Katholieke Universiteit Leuven [3]. Continuer à lire … « De tous les peuples de la Gaule… »