Les premières séquences de la bande dessinée

Les publications belges francophones sont marquées par les exemples étrangers, français surtout, parfois repris à l’identique. Le caractère national s’affirme dans le choix des lieux et des sujets. Pour la professionnalisation progressive et l’émergence d’une presse destinée à la jeunesse, il faut attendre le début du XXe siècle (1840-1914)

   C’est aux débuts, encore peu explorés, de la bande dessinée sous nos cieux que Frédéric Pâques a consacré sa thèse de doctorat dont un livre est issu [1]. Le champ précis de sa recherche est la production francophone avant 1914 en Wallonie et à Bruxelles – un cadre géographique à nuancer, les frontières politiques ou culturelles n’étant pas étanches.

   L’auteur est professeur à l’Ecole supérieure des arts (ESA) Saint-Luc (Bruxelles et Liège) ainsi qu’à l’Université de Liège (en 2024). Quantitativement et proportionnellement, les matériaux qu’il a rassemblés situent la Belgique au même rang que les autres pays industrialisés à l’époque. Mais peut-on déjà parler, comme ce sera le cas plus tard, d’une spécificité ou d’une école propres à notre pays ? De toute évidence, ce serait pousser le bouchon trop loin.

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Simenon, des histoires à l’histoire

Servi par une écriture dépouillée, son témoignage porte moins sur les événements que sur l’atmosphère du temps et des lieux où il vécut. Défenseur des « petites gens » et des victimes de la ploutocratie, le père de Maigret n’a cessé d’être lu et adapté, mais son œuvre est en partie reléguée dans l’ombre par son héros principal (1919-1989)

   Comme unique conseil à un apprenti romancier, Simenon prodiguait celui de passer, comme il le fit lui-même (de 1919 à 1922), quelques années dans un journal, local de préférence afin d’avoir l’occasion d’y mettre la main à tous les domaines, d’observer tous les milieux et de pratiquer tous les genres [1]. Ainsi l’actualité de l’époque où vécut l’écrivain a-t-elle imprégné son œuvre, bien au-delà des abondants écrits autobiographiques pour lesquels le constat va de soi. La fiction n’exclut pas une dose d’historicité, si pas dans la relation d’événements comme tels, du moins dans le reflet qui nous est livré de l’esprit d’un temps. La publication des actes d’un colloque tenu en 2023, sous la direction de Jean-Louis Dumortier (Université de Liège), permet de glaner maints éléments apportant confirmation ou ouvrant des pistes à cet égard [2].

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Les journalistes au temps des derniers combats

Ce fut sans doute l’âge d’or de la presse écrite. Le sentiment d’accomplir une haute mission allait de pair avec un engagement politique et philosophique assumé, largement dissipé depuis. Mais déjà, les critiques fusaient de l’extérieur sur les hommes du métier soupçonnés d’être des touche-à-tout incompétents, voire stipendiés (1950-1965)

   Les historiens contemporains inscrivent volontiers le travail des journalistes parmi leurs sources. Il est plus rare qu’ils fassent de ces derniers le sujet de leur recherche. Il vaut dès lors la peine, même s’il ne date pas d’hier, de s’arrêter à l’article, issu d’une thèse, que Nele Beyens a consacré à l’identité d’un métier « pas comme les autres » , tel qu’il se définissait dans les années ’50 et au début des années ’60 du siècle dernier [1].

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Juul Filliaert, la culture derrière l’Yser

Auteur, journaliste, éditeur, collectionneur…, il fut pendant la guerre un animateur de la vie intellectuelle et artistique au cœur de la partie non occupée de la Belgique. Secrétaire de rédaction du « Belgische Standaard », il fit aussi connaître les peintres du front. Mais son patriotisme fut mis en doute (1914-1925)

   En pleine Grande Guerre, dans la petite portion du territoire national demeurée invaincue face à l’ennemi, les arts n’étaient pas considérés comme des activités « non essentielles » ! A une encablure des tranchées, peintres, poètes, mémorialistes, étudiants… s’appliquaient à œuvrer en témoins pour le monde des souffrances du pays et de l’héroïsme de ses soldats. Certains faisaient partie de la Section artistique de l’armée belge en campagne, créée par l’état-major. Et La Panne était devenue la capitale culturelle de la Belgique résistante. Au cœur de ce vivier se trouvait une personnalité multiforme, à la fois auteur, éditeur, journaliste, libraire, collectionneur, organisateur d’expositions et on en passe: Juul Filliaert (1890-1948).

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(Vers) L’Avenir: histoire d’un désengagement

Né au lendemain de la Grande Guerre, le quotidien namurois a cessé, à partir de la fin des années ’70, d’être un journal de combat pour le trône et l’autel. Est restée une dimension de proximité, dans les petits comme dans les grands événements, qui en fait à la fois le miroir et le lien d’une province (1918-2018)

   Centenaire depuis 2018, L’Avenir (ex-Vers l’avenir) appartient à cette presse de proximité, provinciale et locale, qui assume d’être la messagère de la petite histoire autant ou davantage que de la grande, des faits divers et du sport, des fêtes populaires et des caprices du temps, des noces d’or et des jubilés sacerdotaux… Une presse où l’avis du garde champêtre d’Hastière importe autant ou davantage que celui de la ménagère de 50 ans dans la sphère des annonceurs télévisuels.

   Dans les rédactions des quality papers – ou qui se croient tels –, il est de bon ton de dauber sur les « chiens écrasés » . Mais témoins et victimes d’un grave accident de la route, par exemple, savent à quel point cet événement « sépare du reste de la population ceux qui sont impliqués » et les place en « un endroit coupé de la réalité habituelle » . Ainsi témoigne François-Xavier Heynen, docteur en philosophie devenu fait-diversier, dans l’ouvrage collectif, associant journalistes et historiens, publié à l’occasion des cent bougies du quotidien namurois [1]. A côté de ce « monde parallèle » où on peut trouver « de l’amitié, une forme de rédemption et du sacré » (p. 123), rien moins, c’est aussi d’être, dans la vie ordinaire, tout à la fois le miroir et le lien d’une collectivité à taille humaine qui confère toute leur importance aux actualités d’une ville et de sa province.

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