L’étranger sodomite, mythe ou réalité ?

Si les temps modernes sont marqués par un durcissement dans la répression de l’homosexualité, les étrangers, bien que plus facilement suspectés, n’encourent pas les foudres de Thémis plus que les natifs du lieu. C’est davantage une position sociale fragile qui rend plus vulnérable (1400-1700)

   A l’instar de Sodome et Gomorrhe, la ville a été et demeure perçue comme le refuge des comportements hors normes, auxquels sa densité garantit des complicités en grand nombre ainsi qu’un anonymat aisé et commode. Les citadins et leurs autorités, pourtant, ne reconnaissent pas volontiers ces réalités, sauf à les imputer à de mauvaises influences extérieures. Il paraît logique, dans ces conditions, que la justice ait la main plus lourde quand elle a affaire à un déviant étranger. Dans les périodes de malaise particulièrement, cibler le dissemblable constitue un moyen efficace de (res)souder la communauté.

   Telle n’est cependant pas la conclusion de Jonas Roelens (Université de Gand) au terme de l’étude qu’il a consacrée à la répression de l’homosexualité, du XVè au XVIIè siècles, à Bruxelles et dans les principales villes de la Région flamande actuelle (Anvers, Bruges et son arrière-pays, Gand, Louvain, Malines, Ypres) [1]. Basé sur les comptes des baillis, qui sont dotés des compétences administratives et judiciaires à l’échelon local, ce travail prend certes la mesure du durcissement des pouvoirs aux temps modernes envers le « péché contre-nature » . Alors que le Moyen Age condamnait l’acte sans beaucoup agir contre les personnes, la peine de mort prévue par Le Lévitique (20:13) revient en force (bûcher, étranglement…). Néanmoins et contre toute attente, il apparaît qu’on n’encourt pas davantage les foudres de Thémis dès lors qu’on n’est pas natif du lieu. « Les étrangers, relève l’historien, furent plus vulnérables aux accusations de sodomie, non à cause de leur origine au sens strict, mais à cause de leur position sociale fragile » .

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