Baptiser le fœtus quand la mère meurt ? Un débat entre foi et médecine

La césarienne post-mortem, même en l’absence de personnel médical, a été longtemps préconisée par l’Eglise pour sauver la vie de l’enfant ou pour le bien de son âme. Si les polémiques sur cette pratique ont fait rage dans le monde politique, les praticiens ont davantage cherché des voies de compromis (XVIIIè-XXè siècles)

Les plus anciennes sources mentionnant la technique de la césarienne remontent au XIVè siècle, mais c’est dans la seconde moitié du XVIIIè que s’est répandue la pratique de cette opération en cas de décès de la future mère afin de baptiser l’enfant qu’elle portait en elle. La campagne en faveur du sacrement premier au stade prénatal, également préconisé dans d’autres cas comme celui des fausses couches, s’est développée parallèlement à la vision théologique, elle-même influencée par les acquis scientifiques, selon laquelle l’embryon humain est doté d’une âme dès la conception. Etait dès lors abandonnée l’idée, dérivée d’Aristote, selon laquelle l’animation n’intervenait qu’à un stade ultérieur, quand le fœtus présentait une forme humaine distincte.

Approuvée par le Pape en 1756 et répandue dans nos provinces dès les années 1760, l’Embriologia sacra, œuvre de l’ecclésiastique sicilien François-Emmanuel Cangiamila, a constitué un jalon majeur dans la diffusion des procédures baptismales en situations extrêmes. Le recours à la césarienne post-mortem est devenu une obligation légale dans certains Etats catholiques ainsi qu’en Grèce orthodoxe, avec pour objectif de sauver la vie du fœtus ou, à défaut, d’agir pour le bien de son âme, les statistiques médicales n’autorisant guère d’illusions sur les chances de survie après la mort de la gestante.

En Belgique indépendante, le législateur n’a pas fixé de normes à cet égard. Le débat n’en a pas moins été vif, comme en témoigne l’étude que lui a consacrée Jolien Gijbels, en troisième cycle à la Katholieke Universiteit Leuven [1]. Continuer à lire … « Baptiser le fœtus quand la mère meurt ? Un débat entre foi et médecine »

Une ardeur d’avance sur le concile de Trente

Il était issu d’une grande famille et d’esprit plutôt mondain. Pourtant, l’évêque Robert de Croÿ a fait démarrer la Réforme catholique sur les chapeaux de roue dans son diocèse de Cambrai, qui s’étendait alors jusqu’à Bruxelles et Anvers. Les distances et les troubles politiques ont toutefois handicapé son action (1529-1556)

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Portrait de Robert de Croÿ par Willem Key daté de 1547, peu après son retour de Trente. On remarque les armes de la famille dans le coin supérieur gauche. (Source: Christie’s, Londres, 9 déc. 2009, https://www.invaluable.com/auction-lot/willem-adriaensz.-key-breda-c-.-1515-6-1568-ant-149-c-ec59a406a5#)

Le début du XVIè siècle est fréquemment décrit comme une période de décadence religieuse, sous l’égide d’évêques mondains, provenant de familles nobles qui rejoindront souvent les rangs des opposants aux décrets du concile de Trente. Mais des recherches récentes font entendre une autre musique. Il en ressort, en effet, que si certaines circonstances et certains acteurs firent barrage et si les tribulations de la révolte des anciens Pays-Bas étaient largement imprévisibles et capricieuses, la réforme tridentine a démarré chez nous sur les chapeaux de roues, parfois sans même attendre la fin des sessions convoquées par le Pape sur les bords de l’Adige entre 1545 et 1563 (avec des interruptions).

L’épiscopat de Robert de Croÿ à Cambrai (1529-1556) est de ceux qui invitent à porter ce nouveau regard. Le diocèse s’étend alors tout au long de la rive orientale de l’Escaut jusqu’à Anvers, englobant Bruxelles ainsi que la plus grande partie du Hainaut. Y vivent donc des populations tant néerlandophones que francophones – une constante de notre histoire. Avec Robert, les Croÿ, une de ces grandes maisons réputées frondeuses, ont rien moins que le troisième de leurs membres à occuper consécutivement ce siège prestigieux, convoité, lié à des pouvoirs temporels (duc de Cambrai, comte du Cambrésis), mais aussi hautement stratégique, entre les terres de l’Empereur romain germanique, du Roi de France et du Duc de Bourgogne. C’est pourtant bien à l’avant-garde de la Contre-Réforme que le rejeton va s’illustrer, comme le montrent Violet Soen et Aurelie Van de Meulebroucke (Katholieke Universiteit Leuven) dans une étude soulignant à quel point « la tradition médiévale tardive, l’existence d’évêques nobles et la réforme religieuse pouvaient être compatibles et parfois même aller main dans la main » [1].

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Inhumation ou incinération ? Un dilemme à l’âge du bronze

Les ensembles funéraires de Lambres-lez-Douai et Sin-le-Noble (Hauts-de-France) témoignent de la juxtaposition des pratiques dans la zone Manche – mer du Nord, même si l’incinération tendait à prendre le pas. Le souci d’une visibilité durable des monuments est demeuré constant (XVIIè – XVè siècles av. J-C)

Dans le plus lointain passé, nombreuses sont les cultures ou les sociétés à propos desquelles notre savoir est entièrement ou essentiellement tributaire des sépultures, avec les pratiques dont elles témoignent et les objets qu’elles recèlent. L’âge du bronze et les débuts de l’âge du fer en Europe occidentale sont de ces mondes-là. Dans nos régions, de quelque 2000 à 750 avant J-C, se structurent alors deux espaces selon un clivage est-ouest des plus naturels, commandé par la géographie: l’un autour de la Meuse, l’autre autour de l’Escaut. Les objets retrouvés dans la zone scaldéenne, tels les épées à languette et les grandes pointes de lances, s’apparentent à ceux qui ont été mis au jour dans le nord-ouest de la France actuelle ainsi que dans l’archipel britannique. Les fouilles menées ou en cours à Lambres-lez-Douai et Sin-le-Noble, dans la communauté d’agglomération du Douaisis, peuvent donc nous instruire sur cette aire d’échanges bordée par la mer du Nord et la Manche [1]. Continuer à lire … « Inhumation ou incinération ? Un dilemme à l’âge du bronze »