Juul Filliaert, la culture derrière l’Yser

Auteur, journaliste, éditeur, collectionneur…, il fut pendant la guerre un animateur de la vie intellectuelle et artistique au cœur de la partie non occupée de la Belgique. Secrétaire de rédaction du « Belgische Standaard », il fit aussi connaître les peintres du front. Mais son patriotisme fut mis en doute (1914-1925)

   En pleine Grande Guerre, dans la petite portion du territoire national demeurée invaincue face à l’ennemi, les arts n’étaient pas considérés comme des activités « non essentielles » ! A une encablure des tranchées, peintres, poètes, mémorialistes, étudiants… s’appliquaient à œuvrer en témoins pour le monde des souffrances du pays et de l’héroïsme de ses soldats. Certains faisaient partie de la Section artistique de l’armée belge en campagne, créée par l’état-major. Et La Panne était devenue la capitale culturelle de la Belgique résistante. Au cœur de ce vivier se trouvait une personnalité multiforme, à la fois auteur, éditeur, journaliste, libraire, collectionneur, organisateur d’expositions et on en passe: Juul Filliaert (1890-1948).

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Sommes-nous (toujours) consociationalistes ?

Gouvernements minoritaires, autonomies sans pacification, Etat central dépecé, revendications « citoyennes »…: les conditions sur lesquelles reposait l’art belge du compromis politique semblent s’être délitées ces dernières années. Il reste une inventivité qui peut encore surprendre ainsi que des contrepoids aux forces centrifuges (1968-2020)

   Paradoxe de la Belgique: un pays profondément divisé par le régime des partis et pas seulement sur les plans régional ou communautaire, comme en témoignent la crise royale, la question scolaire, les grèves de 60-61… Et aussi, pourtant, un pays longtemps présenté comme une démocratie modèle, passée maîtresse dans l’art du consensus et de la résolution pacifique des conflits. Mais aujourd’hui ? Se pose de fait, après les longues périodes de paralysie traversées ces dernières années, la question de savoir si notre réputation n’est pas surannée. 194 jours pour former un gouvernement en 2007-2008, 541 en 2010-2011, 494 en 2019-2020 (s’ajoutant à 168 jours de gouvernement en affaires courantes avant les élections)… Comprendre où nous en sommes est la tâche de la science politique. C’est à ses éclairages que Didier Caluwaerts (Vrije Universiteit Brussel) et Min Reuchamps (Université catholique de Louvain) nous convient [1]… Mais on ne saurait, avant d’esquisser la moindre hypothèse, faire l’économie d’un passage par l’histoire.   

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« Ne rions pas du pauvre magister »

En 1922, l’écrivain Désiré-Joseph d’Orbaix publiait son témoignage des grandeurs et misères du métier d’instituteur, qu’il avait exercé à Saint-Gilles. L’amour des élèves et une pédagogie du cœur s’expriment dans ces pages en même temps que la grande pauvreté du milieu et le manque de reconnaissance sociale (1908-1921)

   En 1922 paraissaient, sous le titre Le don du maître, une série de tableaux de la vie scolaire dus à l’écrivain et journaliste Désiré-Joseph Debouck, dit d’Orbaix (1889-1943). L’auteur, également enseignant, avait obtenu des Editions du Monde nouveau, à Paris, qu’elles l’impriment en 500 exemplaires. Ce début modeste ne fut pas de mauvais augure puisque plusieurs rééditions suivirent, jusqu’en 1943. Près de 80 ans plus tard, l’ouvrage revoit le jour par les soins de Renaud Denuit, petit fils de l’homme de lettres, ancien journaliste à la RTBF puis fonctionnaire à la Commission européenne [1].

   S’il s’agit bien d’un témoignage et non d’une fiction, compte doit être tenu de son style léché qui, parfois, embrume le factuel. La veine romanesque et surtout poétique qui traverse les autres œuvres de d’Orbaix se retrouve dans son regard sur l’école primaire, à telle enseigne que le liminaire et la fin sont en vers. L’écartèlement entre les deux vocations, la plume ou la craie, s’y exprime d’ailleurs:

« Peut-être bien que Dieu veut pour moi cette gloire
D’un poète écrivant sa pensée et son cœur,
Non dans des vers gravés aux marbres de l’histoire
Mais sur le tableau noir du sous-instituteur! » (p. 25).

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