Le plastique, c’est aussi du belge

Industrialisée notamment par Leo Baekeland, inventeur de la bakélite, la substance moulable ou modelable s’est répandue comme traînée de poudre à partir de l’Entre-deux-guerres. Prestigieuse naguère, critiquée aujourd’hui, elle est entrée dans le patrimoine et demeure omniprésente (1907-)

   Il suffit de jeter un simple coup d’œil autour de nous, où que nous soyons, pour constater que le plastique est partout. Il est plus difficile d’imaginer le prestige qui entoura, il y a cent ans ou davantage, ce matériau devenu aujourd’hui si commun, voire décrié. De fait, ses effets délétères sur la santé et l’environnement sont régulièrement pointés du doigt. Mais il y a des nuances à apporter au réquisitoire et la consommation de masse est un vaisseau dont la trajectoire ne se modifie pas aisément…

   Publié à l’occasion d’une exposition présentée à l’Industriemuseum de Gand en 2024-2025, un ouvrage collectif fait le point sur la technique et ses principales applications, du A de « automobiel » au Z de « zak » [1]. On y vérifie que la place de notre pays dans cette histoire n’est nullement négligeable.

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Ces questions qui s’élèvent sur les Hautes Fagnes

Elles font l’objet de recherches systématiques depuis la fin du XIXe siècle, avec pour pionnier Léon Fredericq, auteur de la théorie de « l’îlot glaciaire » aujourd’hui contestée. La Station scientifique, ouverte en 1924, œuvre à l’étude du milieu ainsi qu’à sa préservation face aux projets d’exploitation

   La neige généreuse de ce début janvier a incité nombre d’entre nous à randonner dans les Hautes Fagnes. En tout temps, du reste, nous appelle cette étendue jamais identique à elle-même, d’où l’on peut contempler un horizon sans trace de présence humaine. Même quelques loups en ont redécouvert la quiétude. Entre deux promenades – et pour se réchauffer quelque peu! – une visite s’impose à la maison du Parc de Botrange, à son musée permanent ainsi qu’à l’exposition qui s’y tient jusqu’au 31 janvier. Elle a pour thème la découverte, les transformations et l’étude scientifique du « toit de la Belgique » , du milieu du XIXe siècle à 1939. Thèmes également développés dans un numéro de la revue Hautes Fagnes [1].

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Henri Pirenne, Belge, Européen, universel

L’auteur de la monumentale « Histoire de Belgique » en sept volumes est aussi reconnu internationalement comme un pionnier de l’histoire « totale » prônée par l’école des Annales. Hostile aux nationalismes, il leur opposa le rempart de la méthode comparative et plaida pour la création d’une revue d’histoire universelle (1886-1937)

   Considéré chez nous comme une figure de proue de l’histoire nationale, dénigré à ce titre par les tenants des nationalismes concurrents – flamand, wallon… –, Henri Pirenne (1862-1935) fut aussi un des grands rénovateurs de la science du passé au début du XXe siècle. Dans et hors de nos frontières, il demeure une référence et nul ne conteste son inscription parmi les pères de ce qui s’est appelé, selon les époques, l’école des Annales ou la « nouvelle histoire » , entendez celle qui explore et intègre pleinement les données économiques, sociales, culturelles…

   Une preuve de plus du rayonnement du Verviétois, professeur à Gand puis à Bruxelles, mentor de Marc Bloch et de Lucien Febvre, nous est fournie par la récente réunion de plusieurs de ses livres, conférences et articles majeurs dans l’imposante collection « Quarto » de Gallimard [1]. Cité en préface, le médiéviste Léopold Génicot (Université catholique de Louvain) expliquait au mieux la pérennité du maître en notant que « toutes ses œuvres » , en dépit de leur inéluctable vieillissement, « sont des pierres angulaires de l’historiographie sur lesquelles tout historien doit méditer encore » (cité p. 19).

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Le poids des mots, le choc des cartes

Les informations au XVIIe siècle circulaient plus rapidement qu’on ne le pense. A l’aide des actualités cartographiées publiées à Amsterdam par Claes Jansz Visscher, régulièrement mises à jour en ajoutant du présent au passé, on suivait de près les affrontements hispano-néerlandais dans et autour du delta de l’Escaut (1627-1640)

   Les moyens dont disposent les élites alphabétisées pour s’informer à l’aube des temps modernes sont, bien sûr, sans comparaison avec ceux de notre époque. Ils ne sont pas pour autant insignifiants. Les recherches d’Anne-Rieke van Schaik (Allard Pierson Museum et Université d’Amsterdam) viennent, à cet égard, attirer notre attention sur ce média alors nouveau et en pleine expansion que constitue la cartographie narrative [1].

   Celle-ci s’avère des plus idoines pour certaines catégories d’événements, particulièrement ceux dont la relation gagne à être inscrite un contexte géographique: guerres, incendies, inondations… Sont ici étudiés les affrontements qui ont opposé les forces espagnoles et hollandaises – pour faire simple – dans et autour du delta de l’Escaut entre 1627 et 1640.

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Cinq cent mille ans de culture matérielle

De l’outil ordinaire à l’œuvre d’art prestigieuse, un ouvrage interuniversitaire parcourt notre histoire à travers cent objets représentatifs d’un temps, d’un lieu, d’un milieu… L’ensemble est éclectique et enrichissant, mais fatalement arbitraire et sans pouvoir prétendre à l’exhaustivité. Un recueil d’articles plutôt qu’un exposé structuré…

   Sous la coordination d’historiens des différentes universités est paru récemment, dans les deux langues, un parcours de notre histoire articulé autour de cent objets tenus pour illustratifs d’un temps, d’un événement, d’un lieu, d’un milieu… [1] La formule bénéficie d’une vogue certaine. On trouve ainsi dans la bibliographie une histoire du monde, mais aussi des Pays-Bas, de l’Australie, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, ou encore de Bruges, ou encore de l’immigration… structurées à partir du même nombre « magique » de jalons. Ceux qui l’entourent directement (99 et 101) reviennent aussi régulièrement. Rien de rationnel dans pareils choix, certes, mais ils sont consacrés par l’usage. Après tout, pourquoi les médias font-ils si grand cas des « cent premiers jours » d’un gouvernement ou d’une crise ?

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Quand nos ancêtres se débarrassaient des menhirs

Les dernières recherches menées au complexe mégalithique de Wéris ont permis de rendre à des menhirs leur position initiale. Elles éclairent en outre la pratique qui consista, aux temps modernes, à enfouir les monolithes jugés gênants pour l’agriculture et/ou liés à des pratiques superstitieuses (3200 – 2600 avant J-C)

   Avec ses 21 menhirs isolés ou en groupes, dispersés sur une longueur de huit kilomètres, ainsi que ses deux allées qu’une pierre couvre telle un toit, le complexe mégalithique de Wéris (Durbuy) n’a pas fini d’impressionner les visiteurs et d’interroger les chercheurs. De nouvelles avancées viennent d’être publiées pour la connaissance de ce site daté, sur la base d’ossements humains, de la fin du néolithique (3200 – 2600 avant J-C) [1].

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De la cellule au Créateur, les petits pas d’Hector Lebrun

A l’édifice de la cytologie et de l’embryologie naissantes, ce savant discret et oublié a apporté sa pierre. Inventeur sans succès d’appareils microscopiques, il fut aussi promoteur de la muséologie « à l’américaine », appela à la modernisation de l’enseignement et proposa des voies de conciliation entre la science et la foi (1890-1937)

   Voici un de ces oubliés, beaucoup plus nombreux que les sommités notoires, qui n’en ont pas moins apporté une contribution précieuse à l’édifice du savoir. Découvreur assurément en biologie mais aussi praticien et voix autorisée en maintes autres matières, Hector Lebrun (1866-1960) est pourtant absent de la monumentale Histoire des sciences en Belgique dirigée par le regretté Robert Halleux et consorts [1]. Il est inconnu même de l’encyclopédie libre en ligne Wikipedia, c’est tout dire. A l’aide de ses archives déposées à la bibliothèque Moretus Plantin de l’Université de Namur, Céline Rase, issue de la même Alma mater, a entrepris de sortir cette figure singulière du purgatoire. Ses recherches ont débouché sur des podcasts, des tables rondes, une exposition virtuelle ainsi qu’un livre [2].

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Coups de tarets et impasses à la Côte

Dans les années 1730, les mollusques xylophages se sont attaqués aux infrastructures portuaires d’Ostende. Les mesures des autorités ont permis de sauvegarder les digues, mais non les écluses de Slyckens qui se sont effondrées en 1752. Les conflits d’intérêts ont bloqué toute décision avant que le pouvoir central impose des réformes (1720-1770)

   Redoutables pour l’économie maritime, les tarets, ces mollusques bivalves qui s’attaquent aux bois immergés, ont proliféré dans les années 1730 au long des côtes belge et néerlandaise actuelles. Capables en 300 jours de faire perdre à un bloc de pin la moitié de son poids et davantage encore de son volume, les xylophages ont posé aux sociétés un défi d’envergure, relevé bien ou mal selon les cas, ce qui ne fut pas sans retombées politiques dans le comté de Flandre. Une étude de Michael-W. Serruys (Vrije Universiteit Brussel) nous permet aujourd’hui d’en prendre la pleine mesure [1].

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Dans un bois de Nivelles, il y a 6000 ans

Au site de celui d’Orival ont été ramassés plus de 1500 objets relevant d’une culture du néolithique moyen. Les outils les plus nombreux sont les grattoirs sur éclat, les tranchets et les éclats et lames retouchés. Les mines de Spiennes étaient alors le principal fournisseur de matières premières (Ve-IVe millénaires avant J-C)

   Découvert en 1898 par le juriste et numismate Georges Cumont, le site néolithique du bois d’Orival, situé à trois kilomètres au nord-ouest de Nivelles, a livré depuis un abondant matériel aux différents prospecteurs. Issus non de fouilles mais de ramassages en surface au fil des décennies, les objets qui y furent trouvés sont conservés pour partie au musée Curtius à Liège, auquel Cumont fit don de sa collection, et pour partie du musée communal de la cité des Aclots. Tout n’a pas survécu, les simples éclats et autres déchets de taille ayant été particulièrement victimes d’un tri presque fatal. Mais l’ensemble nivellois est demeuré assez significatif pour que Michel Fourny (Société royale d’archéologie de Bruxelles) et Michel Van Assche (Recherches et prospections archéologiques) en dressent un bilan statistique et comparatif riche d’enseignements [1].

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Le siècle des localités

L’histoire locale a connu à l’époque contemporaine un essor qui ne s’est jamais démenti. Il tient en grande partie à l’attachement des Belges à leur ville ou leur village. Ces dernières décennies, les œuvres de notables, avec leurs limites, ont été rejointes par des travaux plus solides, où le monde universitaire s’est investi (XIXe-XXIe siècles)

   Si, dans l’Ancien Régime, les villes trouvaient aisément leurs historiens, il n’en alla pas de même pour les villages. Le manque d’archives explique sans doute en bonne partie cette carence. D’aucuns y ont ajouté l’absence de privilèges (ou franchises) dans le monde rural. A tort: il en a été relevé un bon nombre dans nos campagnes. Les seigneurs avaient besoin d’habitants pour faire fructifier leurs terres et on n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Mais prégnante a été et demeure l’idée selon laquelle le milieu urbain aurait été le vecteur par excellence du « progrès » .

   Tout autre est l’étendue de l’intérêt porté sur le passé à partir du XIXe siècle. L’histoire locale connaît alors un essor dont profitent les communes même les plus modestes. Cette vogue, ses caractéristiques et ses causes ont fait l’objet des contributions de Jean-Marie Cauchies (Université Saint-Louis Bruxelles et Académie royale de Belgique) et Philippe Desmette (Université Saint-Louis Bruxelles) à un colloque consacré à l’historiographie du Hainaut, du comté à la province [1].

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