Toujours européistes, les Belges ? A d’autres…

Pendant la période des premiers jalons (Ceca, projet de CED, « Green Pool »…), nos gouvernements ont été résolument souverainistes, tenants d’une union entre Etats indépendants, contre ceux qui prônaient une fédération dotée de pouvoirs supranationaux. Tout a changé avec le retour de Paul-Henri Spaak aux Affaires étrangères (1945-1954)

   L’histoire de la classe européenne ne manque pas de mauvais élèves. Les plus en vue sont tantôt la France de Charles de Gaulle, qui pratique la politique de « la chaise vide » , tantôt la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher, qui réclame « my money back » , avant celle de Boris Johnson qui prend le large. Même les Pays-Bas, quand ils rejettent massivement le projet de constitution européenne, ou le Danemark, quand il préfère sa couronne à l’euro, se voient infliger de mauvaises notes. A l’inverse, une idée bien ancrée veut que la Belgique soit le bon sujet par excellence, celui qui se range toujours et sans hésiter aux côtés des artisans d’une intégration forte. Confrontée aux faits, pourtant, cette représentation requiert bien des nuances. Paul-Henri Spaak, père fondateur, est peut-être l’arbre qui cache la forêt.

   Philippe de Schoutheete, représentant permanent de notre pays auprès des Communautés et de l’Union européenne (UE) de 1986 à 1997, affirmait que « ce qui donne sa force à la politique européenne belge, c’est qu’elle défend les mêmes principes, les mêmes orientations depuis quarante ans » [1]. Propos pertinent s’il fait référence au rapport Tindemans ou au plan Davignon, mais qui tient beaucoup moins la route si on tente de l’appliquer à l’époque des premiers fondements de la construction.

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Belge, Européen, Eurégional…: ce sacré Charlemagne

Figure majeure dans les constructions historiques nationales au XIXè siècle, l’Empereur d’Occident est devenu un « père de l’Europe » dans la vulgarisation et la littérature de notre temps. L’inscription territoriale problématique du conquérant franc s’y prête au mieux en permettant de le situer entre germanité et romanité (768-814)

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C’est finalement au sein de l’Euregio Meuse-Rhin que la référence à Charlemagne garde aujourd’hui  sa plus grande pertinence. (Source: n. 1, cover)

 Ce n’est pas sans raison qu’une statue équestre de Charlemagne se dresse à Liège, au boulevard d’Avroy, comme à Paris, sur le parvis de Notre-Dame, pour ne citer que ces lieux emblématiques. A des titres divers, le roi franc devenu empereur s’est vu ou se voit encore octroyer un rôle de pionnier, voire de père, de la Belgique ou de la France mais aussi de l’Allemagne, de l’Europe, de l’Occident chrétien… « Un padre dell’Europa » est le sous-titre de la biographie qu’Alessandro Barbero lui a consacrée en 2000 (trad. franç. Payot, 2004). Devenue moins fréquente aujourd’hui, son instrumentalisation dans les constructions historiques nationales a fait florès au XIXè siècle. Une série d’études, réalisées à l’occasion du 1200è anniversaire de la mort de cette figure tutélaire, en témoigne pour la Belgique [1].

   Au même titre que Godefroi de Bouillon, Philippe le Bon ou Charles Quint, le fils de Pépin le Bref prend place dans la galerie de nos grands ancêtres. Un écueil toutefois: sa naissance en terres aujourd’hui belges n’est nullement attestée (et même improbable pour les médiévistes actuels). Catherine Lanneau (Université de Liège), qui a centré ses recherches sur les ouvrages de vulgarisation, épingle notamment la manière dont Théodore Juste, qui façonna notre « roman national » après 1830, bottait en touche sur le sujet. Tout en admettant avec Eginhard qu’on ne peut situer le lieu où Charlemagne vit le jour, il ajoutait que « les traditions populaires suppléent heureusement au silence des chroniqueurs » et permettent de le rattacher « au pays qui avait été le berceau de sa famille » , celui des Pépin de Herstal, des Charles Martel et autres Pépin le Bref. Ferdinand Henaux, tenant de l’histoire romantique, allait plus loin encore en faisant naître Charlemagne au palais de Liège, mais il s’attira des critiques pour avoir poussé le bouchon un peu trop loin!

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