Les victoires d’outre-tombe de la libre-pensée

La sécularisation des cimetières, la crémation, les funérailles civiles… ont figuré très tôt à l’agenda de la laïcité militante et des loges. La prépondéance politique des libéraux à Bruxelles a assuré des succès rapides aux associations porteuses de cette nouvelle culture de la mort. Beaucoup plus lente fut sa percée en milieu rural (XIXè-XXè siècles)

   La lutte entre forces laïques et chrétiennes, catholiques surtout, pour le contrôle de l’espace public, grandissante à partir de la seconde moitié du XIXè siècle, est aussi culturelle. Ce n’est pas pour rien que dans l’Allemagne de Bismarck, elle s’appelle le Kulturkampf. Dans cette guerre, les rites funéraires et les cimetières constituent un champ de bataille privilégié.

   Jeffrey Tyssens et Christoph De Spiegeleer (Vrije Universiteit Brussel) ont braqué leurs projecteurs sur ce volet de la marche à la sécularisation en Belgique. Un récent article du second s’attache à le replacer dans une perspective européenne plus large, tout en montrant comment ses protagonistes réussirent à marquer points sur points à Bruxelles [1]. Sans surprise, c’est l’action conjuguée des associations de laïcité militante et des pouvoirs politiques épousant leurs vues qui s’avère décisive. La capitale belge, où le parti libéral est alors dominant sans discontinuer, constitue à cet égard un terrain des plus favorables.

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Les loges dans la Cité… la mort aidant

La franc-maçonnerie au XIXè siècle veillait et réussissait généralement à garder le secret sur ses membres et ses délibérations internes. Ses symboles même polémiques étaient en revanche largement divulgués, alors que les enterrements des frères célèbres et l’art funéraire servaient de canaux de diffusion du message (1815-1914)

   Société « secrète » , « quasi secrète » ou « discrète » , selon les approches, la franc-maçonnerie a longtemps justifié cette posture par son caractère minoritaire et réprouvé dans les pays catholiques et aussi certains pays protestants. Mais comment expliquer le maintien de cette opacité dans nos sociétés largement laïcisées ? Pourquoi ne voit-on jamais les frères défiler au grand jour, comme il était courant au XVIIIè siècle dans la Grande-Bretagne qui fut leur berceau ?

   A ce confinement délibéré dans les murs du temple, il a pourtant été très tôt dérogé en une circonstance bien précise: quand la mort frappait à la porte. Les manifestations publiques auxquelles celle-ci a donné lieu au cours du XIXè siècle retiennent particulièrement l’attention dans l’étude que Jeffrey Tyssens (Vrije Universiteit Brussel) vient de consacrer aux « brèches » de l’association initiatique [1].

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