La SNCB dans le train de la collaboration… et de la résistance

Son rôle dans le transport de troupes ou de matériel militaire et plus encore dans les déportations a fait l’objet d’un examen à la demande du Parlement et du gouvernement. Mais elle était privée d’autonomie, alors que son personnel et ses responsables ont mené de nombreuses actions contre l’occupant (1940-1944)

   La Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) doit présenter « des excuses officielles » pour le rôle qu’elle a joué dans les déportations des Juifs, des Roms, des prisonniers politiques et des travailleurs forcés pendant la Seconde Guerre mondiale; elle doit prendre en outre diverses initiatives mémorielles et organiser une journée du souvenir; au-delà, il convient de sensibiliser l’ensemble des agents de l’Etat aux dilemmes moraux qu’ils peuvent rencontrer dans certaines circonstances: telles sont pour l’essentiel les recommandations, remises au début de cette année, d’un groupe de sages constitué par le gouvernement fédéral sous la houlette de la juriste Françoise Tulkens [1].

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Quand les Belges mettaient la Chine sur rails

Focus sur les frères Philippe et Adolphe Spruyt, médecins aux chantiers de construction ferroviaires dont celui de la ligne Pékin-Hankou, et sur l’ingénieur François Nuyens qui équipa la ville de Tianjin en électricité et en tram tout en consignant dans un journal ses observations sur les mœurs chinoises (1898-1908)

   On peine à imaginer de nos jours l’ampleur du leadership exercé par la Belgique, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, sur le développement des chemins de fer et de la traction électrique dans les quatre coins du monde. Si la famille Empain, fondatrice de la Compagnie des railways à voie étroite en 1881, donne le ton, l’impulsion vient aussi de Léopold II. Aucune contrée lointaine – c’est notoire – ne laisse le Roi insensible quand il parcourt du regard la carte du monde. Mais comment ne porterait-il pas un intérêt tout particulier à la Chine, cet immense pays alors en pleine décadence politique et en proie aux appétits des puissances européennes ?

   Dès 1872, notre deuxième souverain met sur pied un comité chargé d’investiguer sur les occasions commerciales à saisir dans le Céleste Empire. Même si le gouvernement considère ses initiatives avec frilosité, il convainc le mandarin Li Hongzhang, en tournée en Europe, de confier aux Belges la construction d’une partie du réseau ferroviaire chinois. Peu après est fondée la Société d’études des chemins de fer en Chine, qui associera non sans mal des capitaux belges et français ainsi que l’Etat indépendant du Congo (propriété personnelle du Roi).

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Quand les chemins de fer divisent la cité

La ligne de ceinture est de Bruxelles a imposé une limite à l’urbanisation de certains quartiers de Saint-Josse-ten-Noode et de Schaerbeek. Le déplacement et l’enfouissement des infrastructures ferroviaires, entre 1881 et 1915, ont levé partiellement la barrière, mais son impact sur la morphologie urbaine demeure perceptible (1846-)

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En continu, le tracé actuel de la ligne de chemin de fer 161 (Bruxelles-Namur) traversant le nord-est de Bruxelles. En pointillé, le tracé tel qu’il se présentait avant le déplacement et l’enfouissement commencés à la fin du XIXè siècle. (Source: n. 1, p. 4)

Paradoxe: généralement loué pour les rapprochements que sa rapidité a favorisés entre les hommes et les régions, le train se trouve en même temps montré du doigt pour avoir été, dans nombre des lieux qu’il traverse, un facteur de division. Celui-ci échappe à la plupart des études qui lient le rail au développement économique, dans la mesure où celles-ci se concentrent sur les gares, pôles de croissance effectifs, attirant notamment les activités commerciales. Mais tout autre et même contraire peut être l’impact des voies ferrées, les sésames pour les traverser (viaducs, tunnels et autres passages à niveau) étant réservés aux rues et avenues principales.

A moins qu’elles ne soient profondément enfouies dans le sol, les infrastructures constituent des obstacles difficilement franchissables. Eloquente à cet égard est la manière dont, à Bruxelles, elles ont fractionné le territoire au sud de la gare du Midi. Alix Sacré, historienne diplômée de l’Université libre de Bruxelles et assistante à l’Université Saint-Louis, s’est penchée pour sa part sur un cas moins visible aujourd’hui mais non moins probant: celui du tronçon ferroviaire Bruxelles-Nord – Bruxelles-Luxembourg, c’est-à-dire la portion de la ligne 161 (Bruxelles-Namur) qui traverse les communes de Schaerbeek et Saint-Josse-ten-Noode ainsi que l’extension est de la capitale [1].

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Le train sifflera une fois, sous Bruxelles…

En 1837 déjà, la jonction ferroviaire entre le Nord et le Midi préoccupait les édiles bruxellois et les gestionnaires des chemins de fer. Cinquante ans de projets ont précédé cinquante ans de réalisation, non sans oppositions, pour faire aboutir le chantier à l’aube des années ’50. La ville en porte encore les cicatrices (1900-1952)

Drapeaux, orchestre, oriflammes, discours vibrant d’émotion, foule en liesse et endimanchée… : il y a toute l’euphorie économique et technique des fifties dans les images qui fixèrent, le samedi 4 octobre 1952, l’inauguration de la jonction Nord-Midi par le tout jeune roi Baudouin dans la gare flambant neuf de Bruxelles-Central. « Les Bruxellois, titrait La Libre Belgique le lundi 6, ont étrenné leur nouveau jouet » . C’était le point final d’une véritable épopée industrielle, pour laquelle il avait fallu, sur une longueur de 3,8 kilomètres, extraire un million de mètres cubes de déblais, planter bout à bout 85 kilomètres de pieux en béton armé, fixer 45.000 tonnes de charpentes métalliques, faire travailler 1600 ouvriers pendant seize ans, mais aussi contraindre plus de 12.000 personnes à déménager.

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Le chantier à ciel ouvert, photographié en avril 1938, de la jonction qui allait couper Bruxelles en deux. (Source: collection Paul Pastiels, photos Sergysels et Dietens, dans Michelangello van Meerten, Greta Verbeurgt & Bart van der Herten, « Un tunnel sous Bruxelles… » , n. 1 infra, p. 69)

Par l’ancienneté du projet, par l’importance des obstacles rencontrés, par l’ampleur du chantier, par la griffe de Victor Horta sur l’architecture des gares, par les traces laissées dans l’organisation spatiale de la capitale, la jonction représente une des plus fascinantes entreprises qu’ait connues la Belgique au XXè siècle. Mais la polémique l’a aussi accompagnée à chaque étape…

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