Belges ou Wallons d’abord ? La brouille des libéraux liégeois

Jusqu’à la fin des années ’60, la défense de l’unité belge est centrale dans le programme du Parti de la liberté et du progrès (PLP-PVV). Mais les adeptes du mouvement wallon constituent dans ses rangs une minorité non négligeable. Ouvertement ou à fleurets mouchetés, les deux tendances n’ont cessé de s’opposer (1945-1972)

   C’était en mars 1992. Jean Gol s’apprêtait à retrouver la présidence du Parti réformateur libéral (PRL, aujourd’hui MR) quand il me convia, en même temps que le chef du service politique d’un quotidien bruxellois bien connu, à un déjeuner dans un petit restaurant sis non loin du théâtre royal de la Monnaie. Au cours de l’entretien, il apparut vite que cette invitation avait pour but de nous sonder sur l’hypothèse d’un rattachement de la Communauté française de Belgique à la France. Car l’ex-ministre liégeois, qui avait percé dans la carrière sous les couleurs du Rassemblement wallon, était convaincu que la Flandre se rendrait sous peu indépendante. Et la seule issue viable pour les francophones, dans ce cas, était pour lui de s’intégrer à l’Hexagone. Tout ceci étant, bien sûr, off the record: le grand chef bleu se garda toujours de faire état publiquement de son option préférentielle, alors même qu’il nouait des contacts en ce sens dans les cénacles français.

   Difficile d’imaginer plus grand contraste qu’entre ce président-là et l’actuel, le jeune Georges-Louis Bouchez (6 ans en 1992!), qui arbore volontiers les couleurs nationales et n’a pas craint d’affirmer son regret de la Belgique unitaire. L’un et l’autre, l’ancien et le nouveau, ont été ou sont le reflet, aux deux extrémités, d’un clivage persistant parmi les élus et cadres libéraux, entre fédéralistes-unionistes (dont un petit noyau unitariste) et partisans d’une autonomie régionale ou communautaire maximale (dont un petit noyau rattachiste).

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Quand la Belgique était coupée en deux

Non pas entre Nord et Sud, mais entre catholiques et libéraux. Dans le dernier tiers du XIXè siècle, la violence des affrontements entre ces deux camps était au paroxysme. Les crispations autour des écoles et des funérailles dans le pays de Durbuy en fournissent une illustration éloquente (1879-1888)

   Jamais, selon les termes d’Henri Pirenne, les querelles politiques dans la Belgique contemporaine n’ont atteint « un tel degré de violence » que dans les années qui ont suivi 1870. « Catholiques et libéraux, poursuit l’historien, dressés les uns contre les autres, vivent dans un état de lutte permanente, aussi irréconciliables, aussi intolérants que les guelfes et les gibelins du Moyen Age ou les gueux et les papistes du XVIè siècle. Au drapeau bleu et au bleuet des libéraux, s’opposent le drapeau rose et le coquelicot des catholiques; le Chant des gueux répond au Lion de Flandre; à la campagne on insulte les enterrements civils; dans les grandes villes on siffle les processions et l’on disperse des pèlerinages à coups de canne » . Et d’ajouter un peu plus loin que « poussée à ce point d’exaspération, la passion politique eût infailliblement abouti à la guerre civile si la restriction du droit de suffrage ne l’avait circonscrite aux limites de la bourgeoisie censitaire » [1].

   Une série de documents publiés par la revue du cercle historique Terre de Durbuy apporte quelques exemples éloquents, à l’échelon local, de ces cris et fureurs auxquels le « petit peuple » était loin de demeurer étranger [2]. Ici comme ailleurs, les luttes ont alors pour terrains privilégiés l’enseignement (libre vs public) et les funérailles (civiles vs religieuses).

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