Une droite radicale dans la Résistance

Nationaliste, antiparlementaire, anticommuniste, corporatiste, défilant en uniformes, la Légion nationale belge a pu apparaître comme un calque du fascisme mussolinien. Elle s’en est pourtant distanciée et sous l’occupation allemande, son chef Paul Hoornaert ainsi que nombre de ses membres sont morts pour la cause alliée (1922-1944)

   2 février 1944. A la prison pour travaux forcés de Sonnenburg (aujourd’hui Słońsk en Pologne), Paul Hoornaert rend son dernier souffle, vaincu par la maladie, les mauvais traitements et la sous-alimentation. Dix-huit mois auparavant, à Aix-la-Chapelle, un tribunal militaire allemand l’a jugé en tant que responsable d’une organisation qui « poursuivait des buts germanophobes » . Quinze de ses hommes ont été condamnés en même temps que lui, dont sept ont été fusillés.

   Ce chapitre tragique de l’histoire de la Résistance ressemble à bien d’autres, avec une particularité. C’est que l’organisation ainsi décimée fut en son temps considérée comme « fasciste » et le serait encore plus au nôtre. Il s’agit de la Légion nationale belge, dont le parcours vient d’être retracé par Lionel Baland [1], « un écrivain » , ainsi qu’il se présente, qui a tiré amplement profit de travaux antérieurs mais aussi de sources de première main (presse surtout, dossiers de l’armée belge…).

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« Les Belges deviennent effrayants à force de patriotisme »

Ce propos de Léon Chomé date de 1905. Le courant nationaliste qui, pendant et après la Grande Guerre, rêva d’une Belgique agrandie, n’était pas qu’une fièvre passagère: il avait des racines profondes et des tenants dans les trois partis. Mais face aux Alliés, la « Belgique martyre » ne pouvait pas pousser le bouchon trop loin (1914-1919)

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Pierre Nothomb photographié à Sainte-Adresse quand le gouvernement belge en exil y était installé. (Source: Centre d’archives et de documentation du Centre permanent pour la citoyenneté et la participation (CPCP), Bruxelles, https://cpcp.ideesculture.fr/index.php/Detail/entities/221 )

Il est permis de souhaiter pour son pays un sort plus enviable que celui où Clémenceau cantonnait la Belgique: « un Etat auxiliaire destiné à se mouvoir à l’ombre de la France » . Pendant et après la Première Guerre mondiale, nombreuses et de tous horizons politiques furent les personnalités en vue de la « poor little Belgium » qui conçurent ou appuyèrent des projets de territoire accru, d’influence renforcée, de statut international amélioré. Mais les ambitions les plus hautes, pour ne pas parler des plus folles, avaient peu de chances de se concrétiser. Elles devaient se briser sur les récifs de la diplomatie.

Incarnation de ce temps « où les Belges rêvaient » , le Comité de politique nationale (CPN), fondé par l’écrivain et futur sénateur Pierre Nothomb, a fait l’objet d’un exposé parmi la trentaine inscrits au programme du colloque « La Belgique et les traités de paix » , réuni au palais des Académies à Bruxelles du 9 au 11 mai 2019 [1]. En charge du sujet, Francis Balace, professeur émérite de l’Université de Liège (ULiège), n’a pas manqué de surprendre l’auditoire en livrant les noms de certains des plus chauds partisans d’une grande Belgique lorgnant vers la Prusse wallonne, la Flandre zélandaise, le Limbourg hollandais et le grand-duché de Luxembourg.

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Catholique, Flamand, Belge: les combats de Tony Herbert

Parti d’un engagement nationaliste flamand antibelge, il s’est rallié au milieu des années ’30 à une Belgique jugée compatible avec l’épanouissement de la Flandre. Il s’est attaché ensuite à former des cadres politiques et animer des journaux dans une perspective sociale-chrétienne, corporatiste ainsi que de revalorisation de l’Etat et du Roi (1920-1957)

   Le clivage qui, dans le Nord de la Belgique, traverse les paysages politique et économique – le social et le culturel nettement moins – ne date pas d’hier. Dans les années ’30 du siècle dernier déjà, on pouvait parler d’une tendance radicale flamande, fédéraliste (ou plus si affinité), incarnée notamment par l’Anversois Lieven Gevaert, premier président du Vlaams Economisch Verbond, par ailleurs à la tête d’une firme devenue mondiale dans le secteur de la photographie. En face s’affichait un courant modéré, belge unioniste, représenté entre autres par Léon-Antoine Bekaert, patron d’une entreprise métallurgique en grande expansion établie à Zwevegem, associée avec la famille Velge (francophone), collaborant avec Ougrée-Marihaye et Cockerill en terres liégeoises. Après la Seconde Guerre mondiale, ces différences se sont affirmées particulièrement au sein du CVP (Parti social-chrétien flamand) où un Gaston Eyskens prolongea à sa manière la ligne Gevaert alors qu’un Théo Lefèvre s’inscrivait dans celle de Bekaert.

   Il est aussi des trajectoires qui, dans les mêmes décennies, sont passées d’une extrémité à l’autre du spectre communautaire. Telle fut celle d’Antoon Herbert, dit Tony, dont un ouvrage collectif né d’un colloque éclaire les multiples facettes [1].

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