La « dissociété » moderne face aux défis de la pauvreté

L’assistance concernait de 15 à 20 % de la population belge au milieu du XIXè siècle. De nos jours, cette proportion n’est plus que de 2 %, mais elle a augmenté depuis le début des années 1970, alors que la couverture fournie par la sécurité sociale a montré ses limites (XIXè-XXIè siècles)

L’expression « quart-monde » s’est diffusée au cours des années ’70 du siècle dernier. Mais on ne le sait que trop, il y a toujours eu des pauvres parmi nous. La crise avait pris l’ascendant sur une longue période de croissance économique quand les regards se sont retournés vers les laissés-pour-compte de la société industrielle. Si les associations à vocation caritative n’avaient jamais cessé d’être à pied d’œuvre, on ne peut en dire autant des professionnels de la politique et du syndicalisme. ATD-quart-monde, dans son Livre blanc: le sous-prolétariat en Belgique, publié en 1977, déplorait ainsi que des franges de la société ont été « exclues de la solidarité ouvrière » par les organisations syndicales qui « ont méconnu les travailleurs sous-prolétaires dans leur spécificité et ont axé le combat sur les seuls prolétaires » . Comme si le mépris de Karl Marx pour le lumpenprolétariat incapable de constituer une force avait laissé des traces…

Dans la promotion des catégories sociales « à risque » , en tant que sujets du débat public et de l’action des pouvoirs, Daniel Zamora Vargas voit pour sa part une dynamique qui « a accéléré la déstructuration des institutions et des valeurs de la société salariale » [1]. En d’autres termes, plus il y a d’assistance, moins il y a d’assurance, plus il y a d’humanitaire, moins il y a de social. Les rapports qu’entretiennent aux différentes époques ces concepts et les réalités qu’ils recouvrent méritent en tout cas de retenir l’attention.

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De l’indésirable au vagabond, il n’y avait qu’un pas…

Selon les archives des Colonies de bienfaisance de l’Etat, le concept de vagabondage était des plus flexibles, pouvant s’appliquer à des individus sédentaires mais jugés perturbateurs. Certains internés, en quête d’un refuge à tout prix, étaient eux-mêmes demandeurs (1870-1930)

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L’entrée principale de la Colonie de Merksplas au début du XXè siècle et aujourd’hui. (Sources: carte postale, collection privée Rik Vercammen, n. 1, p. 57; Gevangenismuseum Merksplas, http://www.gevangenismuseum.be/)

   Les moines mendiants qui sillonnèrent les routes d’Europe au XIIIè siècle n’auraient pas joui de la même liberté dans les Etats modernes! Fruit atténué d’une stigmatisation et d’une répression croissantes à partir du XVIè siècle – et dont le Code Napoléon avait largement hérité –, la loi belge de 1866 envoyait, sans coup férir, les sans domicile et sans subsistance ayant fait l’objet d’une condamnation dans des Colonies de bienfaisance de l’Etat. Le complexe de Merksplas, qu’on peut visiter aujourd’hui, fut l’une d’elles. La durée minimum du séjour, portée à deux ans en 1891, permit d’avoir moins de sujets à poursuivre mais fit gonfler le nombre des colons du royaume jusqu’à plus de 5000. Le durcissement des peines frappa surtout ceux qui étaient censés avoir choisi librement leur état marginal.

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