Une « Muette de Portici » fort peu révolutionnaire

L’opéra d’Auber, Scribe et Delavigne n’est pas favorable à la révolte napolitaine qu’il relate, mais les indépendantistes belges l’ont investi d’un sens conforme à leur cause. A l’inverse, le public et les critiques hollandais en ont retenu après 1830 la condamnation de la sédition (1829-1900)

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« La Muette de Portici » dans une illustration de presse, 1863. (Source: Bibliothèque nationale de France, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84029172/f1.item)

Ce n’est pas le moindre des paradoxes: La muette de Portici, l’opéra d’Esprit Auber créé en 1828 et qui mit le feu aux poudres de la Révolution belge le 25 août 1830, n’était nullement de nature à y inciter. Il relate certes une révolte, celle de la population de Naples contre les Habsbourg d’Espagne en 1628, mais il se garde bien de l’exalter. Le livret d’Eugène Scribe et Germain Delavigne confère au soulèvement des motifs d’ordre personnel et non politique. Le pêcheur Masaniello donne le signal de l’insurrection après avoir appris que sa sœur muette Fenella, personnage ajouté à l’histoire, a été déshonorée par le fils du vice-roi, lequel se révélera accessible au remords. Les violences des Napolitains n’ont rien à envier à celles des Espagnols qui les répriment. Le vice-roi demeure hors de la trame et ne peut donc être mis en cause. L’aventure, en outre, finit mal pour les insurgés qui sont défaits alors que leur meneur meurt empoisonné par un des siens qui a vu en lui un traître et un tyran potentiel. Il n’est pas jusqu’au Vésuve en éruption, dans lequel le désespoir précipite Fenella, qui ne manifeste le désaccord de la nature avec la rébellion!

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Comment faire payer la France sans la ruiner ?

Après la chute de l’Empire, le Royaume-Uni des Pays-Bas, spécialement pour sa partie belge, a figuré parmi les Etats réclamant les plus importants dédommagements à la France vaincue. Mais face à des puissances alliées désireuses de ménager la monarchie restaurée, les négociations ont été longues et ardues (1814-1818)

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Caricature du général Dumouriez, « le sauveur de la Belgique » , vainqueur de Valmy et de Jemmapes. (Source: estampe, 1793-1794, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et Photographie, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6948494w.item)

   « Le boche payera! » Ce slogan célèbre des lendemains de la Première Guerre mondiale trouva sa concrétisation dans les réparations imposées à l’Allemagne vaincue pour les dommages subis par les régions envahies. Si la dernière mouture du plan avait été pleinement exécutée, le dernier versement aurait eu lieu en 1988! Mais la charge, trop lourde, fut définitivement abandonnée en 1932. Et après 1945, on cessa rapidement, du côté occidental, de nourrir toute nouvelle illusion.

   Moins connue, plus lointaine, la question des indemnisations dues par la France au terme des guerres napoléoniennes ne s’est pas posée avec moins d’acuité. A la différence de la république de Weimar, la monarchie restaurée de Louis XVIII s’acquitta au bout du compte de ses obligations, même si ce ne fut pas sans mal. Et tout logiquement avaient émergé, parmi les revendications les plus importantes, celles des provinces constitutives de la Belgique.

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Catholique, Flamand, Belge: les combats de Tony Herbert

Parti d’un engagement nationaliste flamand antibelge, il s’est rallié au milieu des années ’30 à une Belgique jugée compatible avec l’épanouissement de la Flandre. Il s’est attaché ensuite à former des cadres politiques et animer des journaux dans une perspective sociale-chrétienne, corporatiste ainsi que de revalorisation de l’Etat et du Roi (1920-1957)

   Le clivage qui, dans le Nord de la Belgique, traverse les paysages politique et économique – le social et le culturel nettement moins – ne date pas d’hier. Dans les années ’30 du siècle dernier déjà, on pouvait parler d’une tendance radicale flamande, fédéraliste (ou plus si affinité), incarnée notamment par l’Anversois Lieven Gevaert, premier président du Vlaams Economisch Verbond, par ailleurs à la tête d’une firme devenue mondiale dans le secteur de la photographie. En face s’affichait un courant modéré, belge unioniste, représenté entre autres par Léon-Antoine Bekaert, patron d’une entreprise métallurgique en grande expansion établie à Zwevegem, associée avec la famille Velge (francophone), collaborant avec Ougrée-Marihaye et Cockerill en terres liégeoises. Après la Seconde Guerre mondiale, ces différences se sont affirmées particulièrement au sein du CVP (Parti social-chrétien flamand) où un Gaston Eyskens prolongea à sa manière la ligne Gevaert alors qu’un Théo Lefèvre s’inscrivait dans celle de Bekaert.

   Il est aussi des trajectoires qui, dans les mêmes décennies, sont passées d’une extrémité à l’autre du spectre communautaire. Telle fut celle d’Antoon Herbert, dit Tony, dont un ouvrage collectif né d’un colloque éclaire les multiples facettes [1].

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