Un village des dunes à Coxyde

Les fouilles archéologiques menées en 2017 permettent d’accéder à une vue d’ensemble de la structure éparse du Coxyde médiéval. Au XVIIIè siècle, les ravages des guerres et l’ensablement ont entraîné le déplacement du village vers son emplacement actuel (XIIè-XVIIIè siècles)

    Si les ruines et le musée de l’abbaye Notre-Dame des Dunes, fondée au début du XIIè siècle, attirent de nombreux visiteurs, bien peu savent qu’un village s’est aussi élevé dans son voisinage, en d’autres temps et lieux que la localité actuelle de Coxyde. A la différence des fondations et des dépendances de l’impressionnant complexe cistercien, la bourgade médiévale ne révèle que peu à peu ses vestiges sous les pelles et les piochons des archéologues. Constituée autour d’une petite cour seigneuriale, elle se trouvait dans les dunes, à partir de 300 mètres de la limite séparant celles-ci des polders. Un embranchement disparu de l’Yser, débouchant dans la mer du Nord, passait par là. Les habitations, suppose-t-on, devaient être de type rural et dispersées.

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Cette section au nord du site fait apparaître la succession des niveaux d’implantation et des sédiments dunaux. (Source: n. 1, p. 113)

   Les dernières fouilles en date, menées en 2017 au long de la Zeelaan et dont les premiers résultats viennent d’être publiés [1], ont permis d’accéder à une vue d’ensemble de la structure villageoise et d’y localiser précisément l’église, non loin de la dalle funéraire d’un sacristain du XVIIè siècle, Pieter Missiaen, qui avait été mise au jour dès 2005. Les prospections antérieures de l’ancien Coxyde, dont l’emplacement fut déterminé dans les années 1920-1930, n’avaient livré que des données peu nombreuses et peu exploitées: quelques squelettes humains, beaucoup de débris de construction (sans doute de l’église). A présent, on dispose d’indices d’un habitat plus extensif ou de l’existence d’une zone périphérique. La question d’une église qui n’aurait pas été située au centre du village peut être posée, tout comme celle d’une dissémination de la plupart des maisons plus à l’est.

   Au niveau le plus ancien, daté des XIIè-XIIIè siècles ou de la première moitié du XIVè, les archéologues du bureau Bouwhistorie, Archeologie, Architectuurhistorie en Cultuurhistorie (BAAC Vlaanderen, sprl) ont trouvé principalement, dans la partie nord-est du terrain d’investigation, les restes partiels d’un agencement rectangulaire en bois, quelques fossés et deux concentrations de débris jugées remarquables (notamment de la céramique, des pierres de taille tournaisiennes, un mortier presque intact en pierre calcaire…). Il pourrait s’agir des témoins de la démolition de l’église proche ou d’un autre haut édifice, pendant ou après le dépeuplement du site.

    Un deuxième agglomérat consistant, dans la partie ouest, en quelques cavités et deux trous de poteau dont la disposition semble arbitraire, reflète un habitat simple, populaire, qui contraste avec la stratigraphie complexe constatée dans le secteur nord-est. Les cavités contenaient des débris de poterie mais pas de matériaux de construction. Entre ce cluster et le précédent, un système de deux larges canaux parallèles et un tracé de chemin ont été identifiés, peu lotis en objets et datés de la mi-XVè à la mi-XVIè siècle.

   La fin de cet intervalle de temps correspond aux soulèvements religieux et politiques survenus dans les Pays-Bas, qui ont entraîné la dévastation du village, frappé en outre par la progression des sables dont une épaisse couche a été retrouvée au-dessus des niveaux médiévaux. Les données historiques font état d’une reconstruction, de l’église notamment, au XVIIè siècle, mais de cette deuxième phase n’ont été exhumés que des vestiges d’un bâtiment ou d’une clôture en bois. Et dès la seconde moitié du siècle, rebelote avec coup de grâce: le retour des ravages de la guerre et de l’ensablement ont eu raison du patelin, définitivement cette fois, comme le confirment les cartes anciennes. Au début du XVIIIè siècle, Coxyde abandonnait son ancienne localisation et glissait vers l’actuelle.

Quelques siècles auparavant, cette dernière entreprise eut été impossible. Au Moyen Age, le territoire où s’étend la commune aujourd’hui était en grande partie constitué de marécages inhabitables, régulièrement inondés à cause de deux estuaires, l’un à La Panne (jadis Duinhoek) et l’autre à Oostduinkerke, qui laissaient rentrer les eaux. Même en temps normal, du reste, la mer s’avançait davantage que maintenant vers l’intérieur des terres [2]. En offrant leur hauteur aux hommes, les dunes étaient leurs amies. Jusqu’à ce que l’accumulation des sables les rende, à leur tour, inhospitalières.

P.V.

[1] David DEMOEN, Alexander LEHOUCK & Nick KREKELBERGH, « Archeologisch onderzoek naar het verdwenen middeleeuwse dorp Koksijde: voorlopige resultaten van recent onderzoek aan de Zeelaan (W.-Vl.) », dans Archaeologia Mediaevalis, 41, Gent, 2018, pp.109-114. http://archaeologiamediaevalis.be/drupal_e/, archaeomed@gmail.com.

[2] Karel LOPPENS, Histoire de Coxyde et de l’abbaye des Dunes, Manage, Allard, 1930, pp. 4, 6, www.vliz.be/imisdocs/publications/225152.pdf (en libre accès).

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