Comment le Deuxième Reich est tombé à Spa

Centre de convalescence et de repos pour l’armée allemande, Spa a subi l’omniprésence de l’occupant, encore accrue par l’installation, en mars 1918, du Grand Quartier général et du Kaiser. La décision de demander l’armistice et l’abdication ont eu pour cadre la cité thermale, qui sera aussi un haut lieu des négociations de l’après-guerre (1914-1920)

PASBEL20180728a
« Vous souvenez-vous de moi ? » demande l’Allemand. « J’ai fait de ce lieu mon quartier général il y a quelque temps, mais j’ai dû le quitter assez précipitamment » . A quoi la Spadoise en costume traditionnel répond: « Je n’ai pas oublié. Je vous ai gardé votre note ». (Source: caricature parue dans « Punch, or the London Charivari » , 5 mai 1920; n. 1, p. 132)

La province de Liège avait subi le premier choc de la Grande Guerre en août 1914. C’est aussi sur son sol que s’est joué le dernier acte avant l’armistice du 11 novembre 1918. De Spa, où le Grand Quartier général allemand était installé depuis mars, sont partis les émissaires allemands à destination de la forêt de Compiègne pour y négocier l’arrêt des hostilités. A Spa aussi, où l’empereur Guillaume II avait rejoint ses officiers, a été décidée son abdication, suivie de son exil aux Pays-Bas. A l’approche du centenaire de ces événements, une exposition accompagnée d’une publication en font mémoire au Pouhon Pierre-le-Grand, sous l’égide du musée de la Ville d’eaux [1].

Pourquoi Spa ? Dans ses Souvenirs de guerre, le général Erich Ludendorff, artisan de l’attaque sur Liège, devenu quartier-maître général du chef du grand état-major, le maréchal Hindenburg, invoque deux raisons: l’importance du parc immobilier offrant « avec Verviers, assez de place pour tous les départements de la direction suprême de l’armée » , et la nécessité de se rapprocher des « points les plus importants du front ouest » (cité p. 60). C’est à l’hôtel Britannique, où un abri antiaérien a été aménagé dans les caves, que s’installe l’état-major. Hindenburg et Ludendorff y ont leurs bureaux. Le Kaiser dispose pour sa part notamment de la villa Le Neubois, également dotée d’un abri, et du château de la Fraineuse, mais c’est de son train luxueusement meublé et stationné à la gare que le Souverain, grand voyageur, a fait sa résidence principale.

Continuer à lire … « Comment le Deuxième Reich est tombé à Spa »

A l’avant-garde des carillons et des cloches

Les frères Hemony ont porté à sa perfection l’art campanaire dans les Pays-Bas du Nord et du Sud. Cependant, le travail accompli par Pierre, le cadet, pour le beffroi de Gand a donné lieu à d’amples polémiques et débouché sur un conflit avec l’échevinat. Depuis, justice a été rendue à l’artisan (1657-1662)

Ils ont pu subir d’importantes restaurations ou transformations, mais la trace des Hemony, François (v.1609-1667) et Pierre (1619-1680), est toujours bien présente dans les carillons des cathédrales d’Anvers et de Malines, du beffroi de Gand ou de l’église Saint-Sulpice à Diest. Les frères étaient Lorrains, nés à Levécourt dans une famille de saintiers, à l’instar de beaucoup d’autres dans la localité. Mais leur talent s’est déployé pour l’essentiel en terres belges et surtout hollandaises, au moment et aux lieux même où l’art campanaire atteignait son apogée.

Il nous est permis d’être (un peu) chauvins en la matière. Le jeu de cloches avait vu le jour sous nos cieux, peut-être à Alost ou à Anvers, vers 1480. « Les fondeurs de Belgique et des Pays-Bas surpassaient tous les autres » , lit-on dans l’Universalis. Deux siècles après les prémices, les Hemony sont venus mettre la cerise sur le gâteau en accordant les cloches avec une précision jusqu’alors inégalée [1]. L’ouvrage de belle facture que vient de leur consacrer Heleen van der Weel, historienne formée à l’Université de Leyde, également organiste et carillonneuse, permet de prendre toute la mesure du rôle économique et culturel de ces artisans [2]. Une étude aussi révélatrice – même si l’auteur ne le souligne pas – d’une perméabilité de la nouvelle frontière issue de la guerre de Quatre-Vingts Ans. Une décennie à peine après la reconnaissance de l’indépendance des Provinces-Unies (en 1648), la rupture religieuse n’avait pas dressé un rideau de buis entre les deux pays. Apparemment, la foi catholique fervente de François et de Pierre n’a pas plus constitué un obstacle à leurs affaires dans le Nord que leur ancrage dans la république calviniste ne les a handicapés dans le Sud.

Continuer à lire … « A l’avant-garde des carillons et des cloches »

Des chanoines entre trône et autel

La création d’un chapitre de 30 chanoines à ‘s-Hertogenbosch et l’extension ultérieure de sa sphère de compétence ont été voulues tant par le duc de Brabant que par l’évêque de Liège dont la ville dépendait. Mais les clercs ont dû faire face à la concurrence d’autres acteurs religieux (1366-1559)

PASBEL20180715
Une vue de ‘s-Hertogenbosch au XVIè siècle, où émerge l’église Saint-Jean. (Source: gravure sur bois publiée dans la « Descrittione di tutti i Paesi Bassi… » de Lodovico Guicciardini, Anvers, Guglielmo Silvio, 1567, entre les pp. 126 et 127,  https://amshistorica.unibo.it/185#; n. 1, p. 76)

Dans la sympathique complexité qui caractérise l’Ancien Régime, les géographies ecclésiastique et politique ne coïncident pas nécessairement. Ainsi est-ce l’évêque de Liège, Jean d’Arckel, qui fait procéder le 20 janvier 1366 à l’installation d’un chapitre (ou collège) de 30 chanoines à la paroisse Saint-Jean de ‘s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc). Celle-ci relève de son diocèse tout en appartenant au duché de Brabant. La mesure est congruente à la montée en puissance économique et administrative de la ville. Les élites locales n’y voient pas d’inconvénient, le pouvoir ducal encore moins et pour cause: tout indique qu’il est à l’origine de cette décision.

Le cas n’est nullement isolé. En terres liégeoises, les plus anciens groupements de clercs – dits « réguliers » quand ils vivent en communauté – sont attestés aux alentours de l’an 1000. Même s’il ne s’agit pas là de leur fonction première, ils constituent un marqueur de l’autorité spirituelle ou temporelle, fournissant à celle-ci un réservoir de célébrants, d’enseignants, de scribes administratifs…  Jan Sanders (Brabants Historisch Informatie Centrum)  vient de livrer une série d’éclairages portant notamment sur l’exportation de ce modèle dans l’actuel chef-lieu de la Province néerlandaise du Brabant-Septentrional [1]Le chapitre dont elle a été dotée, ainsi que les autres apparus bien auparavant dans le nord du diocèse, « ne sont pas à comparer avec les vieux chapitres de Tongres, de Maastricht ou de Liège, qui sont nés dans des lieux d’implantation épiscopaux » , observe l’auteur. L’émergence s’opère ici « auprès des détenteurs du pouvoir local » et au profit, plus tard, du duc qui trouvera dans ces institutions un point d’appui pour « l’accroissement de son pouvoir dans le bailliage » .

Continuer à lire … « Des chanoines entre trône et autel »