Une étrangeté, le « labyrinthe belge » ?

Au carrefour de l’européanité occidentale, la Belgique n’est pas un « petit pays » et elle n’est pas davantage « surréaliste » . Ses lignes de fracture et les questions qui se sont posées ou se posent à elle ne diffèrent pas substantiellement de celles qu’on rencontre sous d’autres cieux

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En couverture, un fragment de « L’entrée du Christ à Bruxelles » de James Ensor (1888). Dans une ambiance de kermesse ou de carnaval des plus belges, le peintre a mis en scène les acteurs de la vie publique, représentant notamment la religion (« Vive le Christ, roi de Bruxelles! » ) et les mouvements sociaux (« Vive la sociale! » ). (Source: n. 1)

Prenons du recul et de la hauteur: c’est à quoi nous convie l’histoire de Belgique remise sur le métier, pour la cinquième fois, par trois historiens de l’Université de Gand (UGent), avec la collaboration d’un quatrième de l’Université flamande de Bruxelles (VUB) [1]. Adaptation pour le grand public de l’enseignement donné aux étudiants, l’ouvrage apporte un témoignage de plus de l’intérêt suscité par un sujet nullement soluble dans notre devenir institutionnel. Citons seulement, dans la langue de Gezelle, les livres publiés ces dernières années, exactement sous le même titre, par Marc Reynebeau [2] et Benno Barnard et Geert van Istendael [3].

Richement illustrée, avec un recours (sur)abondant aux caricatures, la synthèse ici examinée se cantonne au passé socio-économique et politique, laissant de côté les domaines proprement culturel, artistique ou scientifique. En volume rédactionnel, l’après-1830 se taille la part du lion, sans pour autant que la Belgique « avant la lettre » (en français dans le texte) soit négligée (deux chapitres sur onze, plus deux chapitres à cheval sur les périodes qui ont précédé et suivi l’indépendance). On nous permettra, au passage, d’épingler ce très… belge excès d’humilité qui fait parler de « dit kleine land » (pp. 11, 25) et même « dit kleine landje » (p. 14) ou encore d’un « lilliputterland » (pp. 224, 228), contre toute évidence. La Belgique n’est pas « ce petit pays » mais bien un pays moyen, plus peuplé que la Suède (11,2 contre 9,7 millions d’habitants) et d’une superficie dépassant largement celle d’Israël (32.545 contre 21.000 km²). Continuer à lire … « Une étrangeté, le « labyrinthe belge » ? »

Tournai au cœur des tragédies gauloises

Comme nombre de villes du Bas-Empire romain, Tournai, promue au rang de chef-lieu, fait face à l’insécurité en se dotant d’une enceinte. Les traces archéologiques témoignent toutefois d’une grande continuité dans la cité. Les crises y ont peu de répercussions avant que les Francs Saliens se rendent maîtres des lieux (IIIè-Vè siècles)

Pour nos régions, incluses dans la Gaule septentrionale, le Bas-Empire romain n’a rien d’un long fleuve tranquille. Oubliez la Pax romana, même si la chute finale est encore loin: invasions / migrations des peuples d’au-delà du Rhin, contre-pouvoirs émergents et guerres civiles, désordres et brigandages… reviennent par vagues persistantes à partir de la fin du IIè siècle, avec un premier pic franc au milieu du IIIè. Les ruines abandonnées et les magots enfouis, jamais récupérés, constituent les témoins archéologiques les plus éloquents de cette époque. S’y ajoutent les remparts dont s’entourent alors les villes et les ouvrages de défense qui jalonnent les principales voies de circulation. Certes, il est aussi des phases de rémission, particulièrement au troisième tiers du IVè siècle, quand s’élève le chant du cygne gallo-romain.

Un colloque consacré aux villes fortifiées entre Loire et Rhin (diocèse de Trèves) a fourni à Raymond Brulet l’occasion de faire le point sur le Tournai de l’Antiquité tardive [1]. La contribution du professeur émérite de l’Université catholique de Louvain traite principalement des résultats des fouilles relancées, au cours des deux dernières décennies du XXè siècle, par d’importants chantiers dont le moindre n’est pas celui de la restauration de la cathédrale Notre-Dame. Continuer à lire … « Tournai au cœur des tragédies gauloises »