James Ensor, le faux artiste maudit

Le peintre et graveur ostendais s’est montré beaucoup moins rebelle dans la vie réelle que dans l’imaginaire qui imprègne ses œuvres et le personnage qu’il s’est construit. Feignant d’ignorer la reconnaissance et les honneurs, il s’est fait l’écho des tumultes contemporains et le contempteurs du prosaïsme bourgeois (1880-1930)

   Quand on porte sur une carrière d’artiste un regard d’historien, quelques aspects insoupçonnés, très prosaïques, voire terre à terre, peuvent se révéler des plus dignes d’attention. Ainsi en va-t-il pour l’importance… du train dans l’activité de James Ensor (1860-1949) et son accès à la notoriété. C’est le réseau ferroviaire belge, au développement exceptionnel à la fin du XIXè siècle, qui permit au peintre et graveur de recevoir à Ostende la visite de collectionneurs des quatre coins du pays ainsi que de l’étranger. C’est aussi grâce au rail que Bruxelles, Anvers ou Liège devinrent des destinations de routine pour l’homme ou pour ses œuvres.

   Ce constat figure parmi ceux que dresse le journaliste, historien, philologue Vincent Delannoy [1]. Car à l’encontre des représentations d’un Ensor casanièrement vissé à sa demeure de la Vlaanderenstraat – devenue depuis son musée –, aucun créateur aspirant à la reconnaissance ne pouvait alors s’exempter des institutions et des réseaux culturels de la capitale en particulier. Centralisme à la parisienne ? Mutatis mutandis. La vie du natif de la Côte est jalonnée de séjours de quelques semaines, susceptibles de s’étendre jusqu’à quelques mois, dans « le lieu des échanges culturels et l’endroit où l’on entretient des contacts et où l’on conclut des affaires » (p. 100). Les salles d’exposition et les revues artistiques qui font percer sont bruxelloises. C’est en empruntant ces passages obligés que l’inconnu, à la longue, est devenu illustre.

Continuer à lire … « James Ensor, le faux artiste maudit »