Quand nos ancêtres se débarrassaient des menhirs

Les dernières recherches menées au complexe mégalithique de Wéris ont permis de rendre à des menhirs leur position initiale. Elles éclairent en outre la pratique qui consista, aux temps modernes, à enfouir les monolithes jugés gênants pour l’agriculture et/ou liés à des pratiques superstitieuses (3200 – 2600 avant J-C)

   Avec ses 21 menhirs isolés ou en groupes, dispersés sur une longueur de huit kilomètres, ainsi que ses deux allées qu’une pierre couvre telle un toit, le complexe mégalithique de Wéris (Durbuy) n’a pas fini d’impressionner les visiteurs et d’interroger les chercheurs. De nouvelles avancées viennent d’être publiées pour la connaissance de ce site daté, sur la base d’ossements humains, de la fin du néolithique (3200 – 2600 avant J-C) [1].

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De la cellule au Créateur, les petits pas d’Hector Lebrun

A l’édifice de la cytologie et de l’embryologie naissantes, ce savant discret et oublié a apporté sa pierre. Inventeur sans succès d’appareils microscopiques, il fut aussi promoteur de la muséologie « à l’américaine », appela à la modernisation de l’enseignement et proposa des voies de conciliation entre la science et la foi (1890-1937)

   Voici un de ces oubliés, beaucoup plus nombreux que les sommités notoires, qui n’en ont pas moins apporté une contribution précieuse à l’édifice du savoir. Découvreur assurément en biologie mais aussi praticien et voix autorisée en maintes autres matières, Hector Lebrun (1866-1960) est pourtant absent de la monumentale Histoire des sciences en Belgique dirigée par le regretté Robert Halleux et consorts [1]. Il est inconnu même de l’encyclopédie libre en ligne Wikipedia, c’est tout dire. A l’aide de ses archives déposées à la bibliothèque Moretus Plantin de l’Université de Namur, Céline Rase, issue de la même Alma mater, a entrepris de sortir cette figure singulière du purgatoire. Ses recherches ont débouché sur des podcasts, des tables rondes, une exposition virtuelle ainsi qu’un livre [2].

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Coups de tarets et impasses à la Côte

Dans les années 1730, les mollusques xylophages se sont attaqués aux infrastructures portuaires d’Ostende. Les mesures des autorités ont permis de sauvegarder les digues, mais non les écluses de Slyckens qui se sont effondrées en 1752. Les conflits d’intérêts ont bloqué toute décision avant que le pouvoir central impose des réformes (1720-1770)

   Redoutables pour l’économie maritime, les tarets, ces mollusques bivalves qui s’attaquent aux bois immergés, ont proliféré dans les années 1730 au long des côtes belge et néerlandaise actuelles. Capables en 300 jours de faire perdre à un bloc de pin la moitié de son poids et davantage encore de son volume, les xylophages ont posé aux sociétés un défi d’envergure, relevé bien ou mal selon les cas, ce qui ne fut pas sans retombées politiques dans le comté de Flandre. Une étude de Michael-W. Serruys (Vrije Universiteit Brussel) nous permet aujourd’hui d’en prendre la pleine mesure [1].

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Les œuvres coulées du bronzier bruxellois

Bronzier et orfèvre au service de Charles de Lorraine, Michel Dewez a notamment travaillé à la salle d’audience et au grand salon du palais du gouverneur général, avant de tomber en disgrâce en même temps que son frère l’architecte Laurent. Rares sont ses œuvres à avoir survécu aux troubles révolutionnaires (1773-1789)

   A Bruxelles au cœur du quartier royal, non loin de la place du même nom, s’élève le palais de Charles de Lorraine, témoin, certes transformé au fil du temps, des plus hauts fastes du XVIIIe siècle. De la salle d’audience aménagée par le gouverneur général des Pays-Bas méridionaux, qui ne put toutefois l’achever, l’historien d’art Reinier Baarsen (Université de Leyde,  Rijksmuseum Amsterdam) écrit qu’elle constitue « une sorte d’apothéose des réalisations des artistes et des artisans » de nos régions à l’époque et même « une des pièces les plus prodigieuses créées en Europe à la fin de l’Ancien Régime » ainsi qu’ « une brillante démonstration des fruits d’un gouvernement bienveillant » .

   Comment, pour parvenir à pareille réussite, se sont noués les rapports entre les métiers de la création et leurs clients ou mécènes des élites dirigeantes ? C’est ce que vient éclairer une étude de cas due à Kevin Brown, « chercheur indépendant » vivant en Ecosse, ce qui n’est pas sans lien avec le sujet [1].

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« Amadis » , chevalier modèle et phénomène éditorial

La célèbre romance ibérique a connu pas moins de 66 éditions néerlandaises en 80 ans, la première par l’imprimeur anversois Martin Nuyts en 1548. Mais le récit qui fascina le Don Quichotte de Cervantes eut aussi ses contempteurs. L’humaniste Juan Luis Vives le fit figurer parmi « les livres pestilentiels » (XVIe-XVIIe siècles)

   Faut-il y voir une illustration de cette « première globalisation » que des historiens font survenir à partir de 1500 environ ? Toujours est-il qu’à cette époque, la littérature en provenance du monde ibérique se répand comme traînée de poudre, non seulement dans nos Pays-Bas, alors liés politiquement et commercialement à l’Espagne, mais aussi dans d’autres espaces, français notamment.

   Les imprimeurs et les traducteurs constituent, bien sûr, la principale courroie de transmission culturelle. Et le centre européen par excellence à cet égard n’est autre qu’Anvers. On y touche le sommet avec la diffusion de l’Amadís de Gaula (Amadis de Gaule), célèbre roman de chevalerie dont l’origine demeure discutée. Sa plus ancienne édition/adaptation connue, due à l’écrivain Garci Rodríguez de Montalvo, est datée de 1508, à Saragosse. De cette œuvre, Rita Schlusemann (Institut für Deutsche und Niederländische Philologie, Freie Universität, Berlin) a retracé le parcours remarquable en terres néerlandophones [1].

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Du patrimoine flamand réfugié dans un château wallon

De juin 1942 à août 1944, des œuvres et des documents de tout premier plan, appartenant à des musées d’Anvers et de Bruges, ont été mis à l’abri au château de Lavaux-Sainte-Anne. Le jeune expert Herman Bouchery a assuré la garde de ce trésor… à la préservation duquel les Allemands n’étaient pas moins intéressés (1938-1945)

   Au cœur de la plaine famennoise, entouré de douves et d’une nature où s’égaient les daims, le château de Lavaux-Sainte-Anne (Rochefort) élève, en vénérable survivant des siècles ici mélangés, ses tours de pierre médiévales, ses appartements renaissants, sa ferme attenante et son jardin à la française. Mais parce qu’il n’a laissé aucune trace, bien peu de visiteurs du site et des musées qu’il abrite savent ce que fut son rôle très particulier pendant la Seconde Guerre mondiale: un refuge pour des centaines d’œuvres, de manuscrits, d’archives de tout premier plan, mis en caisses et amenés d’Anvers et de Bruges pour attendre des temps meilleurs dans les souterrains et le grand donjon. En Bert Govaerts, cet épisode singulier a trouvé son narrateur [1].

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Dans un bois de Nivelles, il y a 6000 ans

Au site de celui d’Orival ont été ramassés plus de 1500 objets relevant d’une culture du néolithique moyen. Les outils les plus nombreux sont les grattoirs sur éclat, les tranchets et les éclats et lames retouchés. Les mines de Spiennes étaient alors le principal fournisseur de matières premières (Ve-IVe millénaires avant J-C)

   Découvert en 1898 par le juriste et numismate Georges Cumont, le site néolithique du bois d’Orival, situé à trois kilomètres au nord-ouest de Nivelles, a livré depuis un abondant matériel aux différents prospecteurs. Issus non de fouilles mais de ramassages en surface au fil des décennies, les objets qui y furent trouvés sont conservés pour partie au musée Curtius à Liège, auquel Cumont fit don de sa collection, et pour partie du musée communal de la cité des Aclots. Tout n’a pas survécu, les simples éclats et autres déchets de taille ayant été particulièrement victimes d’un tri presque fatal. Mais l’ensemble nivellois est demeuré assez significatif pour que Michel Fourny (Société royale d’archéologie de Bruxelles) et Michel Van Assche (Recherches et prospections archéologiques) en dressent un bilan statistique et comparatif riche d’enseignements [1].

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Béni ou maudit, le temps des colonies de bienfaisance ?

Conçues sous le régime hollandais pour convertir les vagabonds au travail, elles ont été relancées après 1860 et ont duré jusqu’aux années 1990. Leurs domaines de Merksplas et Wortel sont aujourd’hui affectés à de multiples fonctions. La question de savoir comment extraire les indigents de leur condition reste ouverte (1822-2024)

   Amener les pauvres en errance à travailler la terre et couvrir ainsi les frais du gîte, du couvert et des vêtements qui leur sont fournis: tel fut, au temps du Royaume-Uni des Pays-Bas (1815-1830), le projet du général Johannes Van den Bosch, fondateur de la Société de bienfaisance et futur gouverneur général des Indes néerlandaises. Inspiré par l’idéalisme des Lumières, il entreprit la fondation de sept colonies agricoles, dont deux en province d’Anvers, à Merksplas et à Wortel (aujourd’hui une section de Hoogstraten). Ken Lambeets, rédacteur à Vox, magazine de l’Université Radboud de Nimègue, et Michiel Leen, journaliste, ont revisité ces lieux témoins d’un passé largement oublié [1].

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Hommages congolais aux franciscains belges

Ils étaient huit au départ pour œuvrer dans le sud-est de la colonie, sur un territoire de 200.000 km². Avec des moyens dérisoires, ils ont évangélisé, construit et transmis un savoir précieux sur les langues et la mentalité africaines. Leurs successeurs noirs n’ont pas oublié de qui ils furent tributaires (1920-2022)

   Entre 1920, année de leur arrivée, et 1940, nonante missionnaires franciscains belges ont été actifs au Congo belge. En règle générale, après une décennie sur place, ils rentraient au pays pendant un an pour retrouver leur famille, se reposer, soigner les maladies ou infections dont la plupart étaient atteints, mais aussi collecter des fonds, témoigner et, si possible, susciter de nouveaux ouvriers pour la moisson. De ces fils de saint François d’Assise, un successeur africain, le frère Nicolas Tshijika Tshifufu, s’est fait l’historien. Je m’arrêterai ici au volume qu’il a consacré aux figures issues de la province flamande Saint-Joseph, en pointe sur ce terrain [1]. Elle comptait du reste des Wallons en son sein.

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Une paix napoléonienne dans nos villes

La sévérité des tribunaux de simple police à Liège et à Namur sous le régime français s’est renforcée avec le temps. Chargés des infractions légères, ils ont œuvré à la « régulation judiciaire du social » par des peines plus souvent pécuniaires que coercitives. Mais ils n’ont cessé d’être confrontés à des problèmes d’organisation (1795-1814)

   Le croiriez-vous ? La grande majorité des contrevenants traduits devant les tribunaux urbains sous le régime français l’ont été pour des injures verbales et, dans une moindre mesure, pour des voies de fait. À Liège, les unes et les autres ont représenté, avec 37 % des contraventions, une proportion médiane entre Cologne (53,4 %) et Namur (24 %). Sous l’Ancien Régime, il était pourtant rare que pareilles infractions soient incriminées par la justice pénale.

   Ces données ressortent d’une récente étude sur ces trois villes, due à Antoine Renglet (Université catholique de Louvain) [1]. Trois villes jugées relativement « tranquilles » dans les rapports de l’époque, ce que l’exploitation des archives municipales et préfectorales permet de confirmer dans une large mesure.

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