L’enfer d’Evere ou quand l’asile perdait la raison

Violences, insécurité, insalubrité, soins médicaux insuffisants…: telles sont les réalités mises en évidence par l’enquête et le procès consécutifs à un double homicide commis dans l’établissement pour aliénés d’Evere. L’affaire a suscité une prise de conscience et des réformes du régime asilaire, mais dans d’étroites limites (1871-1874)

Pendant la Première Guerre mondiale, le taux de surmortalité dans les institutions psychiatriques belges s’est élevé à 23 %. J’ai consacré un précédent article à ce moment « révélateur des carences de l’époque dans le domaine des soins aux aliénés » [1]. Sur un autre moment, celui-ci en temps de paix et non de désorganisation, de réquisitions et de privations, les recherches menées par Gauthier Godart (Université catholique de Louvain) jettent une lumière crue. Le chercheur est parti d’un double homicide commis à l’asile d’Evere, le 24 octobre 1871, et de l’ample scandale qu’il suscita [2].

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L’établissement de santé d’Evere tel qu’il apparaît dans une lithographie de l’artiste Louis Van Peteghem réalisée en 1859. (Source: n. 2, p. 185)

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Dans les asiles de la Belgique martyre

Le taux de surmortalité dans les institutions psychiatriques s’est élevé à 23 % pendant la Grande Guerre. La malnutrition, les conditions sanitaires, les réquisitions… sont à l’origine de ces nombreux décès, sans beaucoup de réactions du côté des autorités. Un moment révélateur des carences de l’époque dans le domaine des soins aux aliénés… (1914-1919)

Bâtiments réquisitionnés ou frappés par les bombardements, évacuations pour cause de proximité des combats, afflux de civils en fuite, déplacements épuisants de personnes fragiles, surpopulation délétère des institutions restantes…: le monde des asiles psychiatriques a payé, lui aussi, un lourd tribut à la Grande Guerre. Une situation encore aggravée par l’amenuisement des sources de financement public, l’Etat, les provinces et les communes étant eux-mêmes confrontés aux aléas en cascade qui les avaient rendus ménagers de leurs deniers (aide aux nécessiteux, ravitaillement et entretien des troupes d’occupation, crise monétaire…). En 1918, l’hospice des insensés de Liège touche 2,18 francs par journée d’aliéné pris en charge, alors que le coût réel est estimé à 4,58 francs. C’est un des nombreux indices de misère que relèvent Benoît Majerus (Université du Luxembourg) et Anne Roekens (Université de Namur) dans leur étude novatrice sur le sujet [1]. Ajoutons, pour aider à se représenter, que cent grammes de beurre coûtent alors 5,20 francs à Bruxelles [2].

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