Pas de frontière linguistique dans le comté de Flandre

A Bruges, un Picard écrit un livre de conversation français/néerlandais diffusé parmi les lettrés et les commerçants de la ville, tandis qu’un Flamand bilingue rédige en français la chronique des troubles des dernières années. Deux indices parmi d’autres d’une pratique de la langue d’oïl bien au-delà des régions de Lille et Douai (2è moitié du XIVè siècle)

   Le comté de Flandre était-il bilingue, voire trilingue ? Si la réponse affirmative à cette question ne fait guère de doute, une conception ancienne veut que le domaine du français à l’ombre du Lion ait été étroitement limité aux châtellenies méridionales, constitutives de la Flandre wallonne ou Flandria Gallica. Bien que battue en brèche par les études contemporaines, cette construction demeure largement répandue. Ainsi peut-on lire, dans une encyclopédie en ligne bien connue, que « le comté de Flandre est traversé par la frontière linguistique entre dialecte thiois (Bruges, Gand, Ypres, Dunkerque) et latin vulgaire (Tournai, Lille, Douai) » [1].

   L’historiographie, on le sait, n’est pas toujours imperméable aux effluves de la politique. La dualité germanique-romane du comté – comme aussi du duché de Brabant et de la principauté de Liège – en faisait une anticipation de la Belgique. Doté d’une frontière séparant les deux cultures, il préfigurait la Région flamande unilingue. Mais le passé ne se laisse pas modeler par le présent. Dans la principauté médiévale, le français, plus précisément le picard, fut écrit et parlé partout.

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Flamand ou allemand ? Une autre question linguistique

L’usage d’appeler « Duitsch » ou « Duytsch » (allemand) la langue parlée dans le nord de l’espace belge, tout en la distinguant de celle d’outre-Rhin, a traversé les siècles jusqu’au XXème. Parfois en rude concurrence avec « Dietsch » , le mot a fini par céder la place à « Vlaemsch » sous l’influence francophone

   Si, au début du XIXè siècle, vous aviez demandé à des Flamands du Limbourg ou du Brabant quelle langue ils parlaient, qu’auraient-ils répondu ? Flamand ? Néerlandais ?… Ni l’un, ni l’autre. Selon Jan Frans Willems, qui la rapporte en 1837, la réponse aurait été: « Ik spreek Duitsch » , littéralement « Je parle allemand » . L’écrivain et philologue suggère toutefois qu’il faut comprendre « Dietsch » , soit « thiois » , entendu ici comme le terme désignant les parlers germaniques dans l’espace belgo-néerlandais. Avec des variantes phoniques, les dialectes continueront d’être désignés de la sorte par ceux qui les pratiquent jusqu’au milieu du XXè siècle.

   L’usage ambigu remonte loin.

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