Comment nos ancêtres baptisèrent les eaux

La Meuse génératrice de marais et d’humidité, l’Escaut cahoteux et soumis aux marées, la Dendre… tendre, le canal Isabelle né de la guerre de Quatre-Vingts Ans, le Rekebeek d’une auberge, les Tafelzouwen de la Table des pauvres, le Splenterbeek d’un sobriquet professionnel… Il y a tant et plus à apprendre des noms donnés aux cours d’eau

En 2014, Jean Loicq, professeur émérite de l’Université de Liège et membre de la section wallonne de la Commission royale de toponymie et dialectologie, publiait une étude détaillée des noms de rivières du Sud du pays [1]. La section flamande s’est inscrite dans la même démarche, concrétisée par deux volumes dont le second est paru tout récemment [2]. Les chercheurs, ici au nombre de cinq, ont élargi le cadre en traitant non seulement des eaux courantes, mais aussi des stables (étangs, mares…). La fédéralisation de la Belgique permet donc – quand même – que des travaux soient menés complémentairement, à défaut de l’être en collaboration. Une seule somme (dans les deux langues) aurait certes été la solution du bon sens, permettant d’éviter les redites. On sait assez que nos grands fleuves (Escaut, Meuse), maintes de nos rivières (Dendre, Senne…) et aussi de nos voies navigables d’origine humaine (canal Albert, canal de l’Espierres…) coulent du sud au nord en coupant impunément la frontière linguistique étendue d’est en ouest. C’est même une des composantes du lien belge, non la seule, mais non la moindre.

Le dictionnaire de près de mille pages de l’équipe néerlandophone, à présent abouti et qui retient ici notre attention, n’usurpera certes pas sa place dans l’atelier de l’historien comme dans la bibliothèque de l’honnête homme. Aussi fidèlement que possible et sources à l’appui, l’évolution des hydronymes y est retracée à partir d’une longueur d’au moins un kilomètre (sauf exceptions). Les éventuels changements d’appellation selon les lieux sont également pris en compte. L’intérêt de l’ensemble s’accroît encore si on considère la quantité de rivières et de ruisseaux qui ont donné leur nom à des implantations ou à des lieux situés sur leurs berges.

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Naissance et baptême de Bruges

Les plus anciennes sources écrites ou numismatiques mentionnant le nom de Bruges se situent entre le milieu du IXè siècle et le milieu du Xè. C’est aussi au cours de cette période que la ville a émergé en tant que centre comtal, religieux, commercial et portuaire (850-950)

   La naissance de Bruges demeure en grande partie nimbée de mystère. Elle n’a pas fini de fournir aux historiens matière à débats, d’autant que s’y greffent les thèses contradictoires des uns et des autres quant à la genèse même des villes. Pas d’antécédents romains ni mérovingiens en tout cas: aussi, à l’encontre de ce qu’on a longtemps cru, est-il improbable que la « municipium Flandrense » dont il est question dans la Vita Eligii, une vie de saint Eloi datée de la seconde moitié du VIIè siècle ou du début du VIIIè, se réfère déjà à Bruges. Oudenburg constitue ici un candidat beaucoup plus crédible, notamment pour avoir été un castellum de l’Antiquité tardive auquel peut, en effet, s’appliquer le terme alors en vigueur de municipium.

   Où trouver dès lors la plus ancienne mention de Bruges ? Nombre de travaux de vulgarisation évoquent un texte de 892 [1], mais il semble bien, au vu des éléments rassemblés par Georges Declercq (Vrije Universiteit Brussel et Université libre de Bruxelles), qu’on puisse aujourd’hui reculer le curseur de quelques décennies [2].

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