Des campagnes gallo-romaines en plein boom

Les fouilles menées sur le site de la villa du Hody (Hamois) témoignent du développement agropastoral du Condroz namurois, marqué par la diversification des activités, la qualité de l’alimentation et un important commerce à longue distance. Les constructions se sont adaptée au milieu et aux traditions ancestrales (Ier-IIIè siècles)

Au milieu du XIXè siècle, un article des Annales de la Société archéologique de Namur, signé par l’avocat Nicolas Hauzeur, mentionnait l’existence de vestiges gallo-romains au midi du village de Hubinne, réuni à Hamois. On y avait notamment découvert un bronze de « l’empereur des Gaules » Postumus, assassiné en 269. Fouillé une première fois en 1968 (sans publication) et une deuxième fois à titre préventif en 1979-1980 (Service SOS fouilles), le site a finalement été passé au peigne fin, de 1996 à 2001, par les Jeunesses archéologiques (archeolo-J) que reconnaissent la Région wallonne et la Communauté française de Belgique. Le rapport détaillé de ces campagnes et de l’exploitation du matériel découvert vient de faire l’objet d’un ample ouvrage collectif [1].

Situées au lieu-dit « Sur le Hody » , toute une villa et ses dépendances ont livré peu à peu, partiellement, leur histoire. Celle-ci s’étend grosso modo du milieu du Ier à la fin du IIIè siècle après J-C, chronologie confirmée notamment par le mobilier céramique et les vestiges fauniques. Tout démarre en même temps que la présence romaine – tardive – dans le Condroz, alors partie intégrante de la cité des Tongres (une subdivision administrative et religieuse de l’Empire), et tout s’arrête au moment où la majorité des villas du nord de la Gaule sont abandonnées. Dans ce long entre-temps de quelque 250 ans, l’ensemble, modeste en dimensions et au plan architectural, se trouve pourtant « au cœur d’un domaine important du point de vue économique » (p. 191).

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Au travail dans une entreprise en déclin

Dernière grande fabrique textile gantoise, UCO Braun a fini par succomber en dépit des rationalisations et d’une pression accrue à la productivité. Les sources écrites et orales y témoignent des réticences syndicales envers le salariat féminin et des relations collégiales, sans plus, entre travailleurs d’origines différentes (1950-2009)

En janvier 2009, les travailleurs d’UCO Braun franchissaient pour l’ultime fois la porte de ce qui avait été la dernière grande fabrique textile gantoise. Ouverte en 1950, sise à la Maïsstraat, elle faisait partie intégrante de l’Union cotonnière, devenue UCO n.v. en 1964. A la suite d’une reconversion dix ans plus tard, son département spécialisé dans la production de jeans avait ajouté le mot « Sportswear » à son nom.

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Vue aérienne d’UCO Braun. (Source: Miat F-2297 et « UCO Maïsstraat. Verwerven verhalen » , p. 4, https://ookmijn.stad.gent/sites/default/files/idea/files/20150511_pu_uco_15_00776_verhalenboekje_uco_syl_lr02.pdf)

La tâche de retracer ces six décennies d’activités s’avère des plus ardues. Comme il arrive bien souvent dans le cas des entreprises, une grande partie des archives a disparu. Sont demeurés néanmoins les dossiers du personnel, sauvés de justesse et conservés aux Archives de l’Etat à Beveren. Des étudiants de l’Université de Gand ont été mis au travail (formateur) sur ce fonds et leurs résultats jugés les plus intéressants ont fait l’objet d’une édition digitale [1]. Ils portent sur la période 1985-2009, pendant laquelle l’usine employa quelque 1570 personnes. Des entretiens avec certaines d’entre elles ont permis aux jeunes chercheurs de compléter leur information. Il y manque toutefois le point de vue patronal.

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Inégalité et fraternité dans les guildes gantoises

A travers l’étude d’un groupe de tisserands et de drapiers dans la capitale du comté de Flandre, il apparaît que la solidarité corporative n’exclut pas l’existence de conflits d’intérêts et, parmi les maîtres, de stratégies visant à élargir leur réseau et renforcer ainsi leur position, tant dans le métier que dans la cité. C’est grave, docteur ? (XIVè siècle)

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Les armes de la guilde des tisserands gantois. (Source: « Wapenen vanden edelen porters van Ghendt alzo zij van hauts tijden in schepenen bouck staen… » , Ghendt, by my Pieter de Keysere, 1524,
https://lib.ugent.be/en/catalog/rug01:000836445 et n. 1, p. 21)

   Conscience de guilde ou conscience de classe ? Dans les villes du comté de Flandre comme dans celles du duché de Brabant ou de la principauté de Liège, les associations constituées autour d’un métier commun sont connues et reconnues pour la fraternité et les protections qu’elles apportèrent à leurs membres au cours de leur longue histoire. Ont-elles pour autant échappé à tout conflit d’intérêts en leur sein ? Evidemment non, vient nous dire Wout Saelens (Universiteit Antwerpen et Vrije Universiteit Brussel) [1]. A travers le cas d’un groupe de tisserands et de drapiers gantois au XIVè siècle, l’historien fait avouer aux sources l’existence et l’importance, entre supérieurs hiérarchiques (ou maîtres), de relations matrimoniales, économiques et/ou amicales étroites et durables. « En fin de compte, ajoute-t-il, de telles stratégies de réseaux ont été des instruments de contrôle de champs cruciaux dans la guilde de métier, la politique urbaine et l’industrie textile » .

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Le chef de cabinet qui voulait une royauté renforcée

Principal conseiller politique d’Albert Ier et resté en fonction sous Léopold III, Louis Wodon s’est fait le théoricien d’une restauration du pouvoir exécutif, mettant fin aux abus des partis et conférant une position centrale au Souverain, tout en respectant la Constitution de 1831 et les libertés fondamentales (1926-1942)

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Louis Wodon dessiné dans « L’Appréciation » , un périodique économique et financier édité à Schaerbeek, le 1er mars 1933. (Source: n. 1, p. 99)

« Mon cher M. Wodon, je ne puis assez vous dire combien j’apprécie hautement votre concours, la sagesse et la clarté de vos conseils » . Ainsi s’exprime Albert Ier, le 13 août 1933, dans une lettre adressée depuis Lucerne en Suisse à son chef de cabinet. Ce n’est là qu’une des nombreuses marques d’affection du Roi envers celui qui est entré à son service en 1926 et restera en fonction sous son successeur jusqu’à sa pension, en 1938.

Docteur en droit, professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB), directeur de l’école de Commerce Solvay, secrétaire général du ministère des Affaires économiques, Louis Wodon (1868-1946) a certes rejoint le monde des hauts dignitaires de la Cour en affichant une belle palette de compétences. Mais il s’est aussi révélé un prolifique lanceur d’idées, en faveur notamment d’une réforme de l’Etat par laquelle « l’ordre dans le droit » serait restauré et la fonction royale (re)trouverait une place centrale. Ces conceptions ont été exprimées, non sans soulever des vagues, dans une étude publiée en 1942 par la classe des lettres de l’Académie royale. Elles sont surtout détaillées dans de nombreux avis et notes conservés aux Archives du Palais. Ceux-ci constituent les sources principales de l’étude que Linde Declercq (Universiteit Gent) a consacrée à la pensée « wodonienne » [1].

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