Jeanne, Marguerite, Jacqueline: le pouvoir féminin au Moyen Age finissant

A la tête de plusieurs principautés, elles ont exercé leurs prérogatives de duchesse ou de comtesses, laissant toutefois la défense du territoire à leur époux. Pour être bien préparées, il valait mieux qu’elles soient considérées comme héritières présomptives dès leur naissance ou leur plus jeune âge (XIVè-XVè siècles)

   Jeanne, duchesse de Brabant et de Limbourg de 1355 à 1406. Marguerite de Male, comtesse de Bourgogne (Franche-Comté), Artois, Flandre, Rethel et Nevers, de 1384 à 1405 (également deux fois duchesse de Bourgogne). Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, de Hollande, de Zélande et dame de Frise de 1417 à 1433. Ces trois noms le disent assez: le pouvoir féminin n’est pas un mythe dans nos anciennes principautés, ici saisies alors que s’amorce l’unification bourguignonne.

   On ne peut toutefois se dissimuler les difficultés parfois rencontrées par les filles pour succéder à leur père. En l’absence de règles fixes, il faut se référer aux coutumes. Endosser le rôle guerrier assigné au seigneur féodal ne va, en outre, pas de soi quand on appartient à l’autre moitié de l’humanité… C’est afin d’éclairer le champ des possibles et ses limites que Camille Rutsaert (Universités catholique de Louvain et Saint-Louis Bruxelles) s’est penchée sur la formation, le statut et le destin des trois figures précitées [1].

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La Grande Guerre a tué plus de civils que de militaires (déjà)

Quelque 70 % des décès liés à l’invasion et à l’occupation allemandes ont concerné des non-combattants. Les massacres, les déportations, la sous-nutrition et la grippe espagnole ont contribué au recul démographique dans une proportion toutefois moindre que le déficit des naissances et l’impact migratoire (1914-1918)

   Comme on le sait, les victimes des guerres anciennes étaient pour l’essentiel des soldats de métier. La belligérance moderne, à partir du régime révolutionnaire français, y ajouta la masse des conscrits, inaugurant ainsi l’âge des conflits opposant peuples à peuples. Par la suite, les représailles contre les civils et plus encore les armes détruisant des cibles stratégiques, avec leurs « effets collatéraux » , ou frappant au cœur des villes dans un but de démoralisation de l’ennemi, ont créé la configuration contemporaine dans laquelle ce n’est pas une boutade d’affirmer qu’il est aussi dangereux, voire plus, d’être civil que militaire.

   Si la Seconde Guerre mondiale a rendu manifeste ce renversement, se soldant par quelque 40 à 50 millions de morts (selon les approximations) dont la moitié de non-combattants, la Première a fait plus que l’inaugurer, en tout cas sous nos cieux. Un tribut proportionnellement plus lourd pour ceux qui ne portaient pas l’uniforme ressort en effet d’une récente étude consacrée aux effets démographiques de 14-18 dans notre pays [1]. Au recensement de 1910, la Belgique comptait 7.423.784 habitants. Sans la guerre, en suivant son mouvement normal, la population aurait dû s’élever en 1920 à 8.078.328 habitants. On n’en dénombra en fait que 7.401.353 (les territoires enlevés à l’Allemagne non inclus). La différence s’explique par un déficit des naissances, une forte vague d’exils et, bien sûr, les pertes humaines: un excédent de 95.233 décès parmi les civils, s’ajoutant à 40.367 décès de militaires. En arrondissant, 70 % contre 30 %…

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Une journée dans la vie de sœur Emmanuelle

En dépit de l’ampleur de ses engagements sociaux enracinés dans sa foi, en particulier parmi les chiffonniers du Caire, elle ne voulait pas être considérée comme une sainte. Consciente de sa faiblesse, elle s’appuyait sur la conviction paulinienne et pascalienne que rien ne vaut le moindre des mouvements de charité (1908-2008)

  Le journalisme, qui fut mon métier en même temps que l’histoire, confère quelques privilèges dont celui de rencontrer, exceptionnellement ou régulièrement, avec un peu de chance, des figures qui marquent ou ont marqué leur temps. Le reporter devient alors témoin et producteur d’une source dont les chercheurs, le cas échéant, pourront faire usage. C’est ainsi que le présent portrait de Madeleine Cinquin, mieux connue sous le nom de sœur Emmanuelle, née à Bruxelles en 1908, morte presque centenaire en 2008 à Callian (Var, France), sera en partie nourri de rendez-vous avec elle et de propos recueillis à ces occasions.

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Changements climatiques: in vino veritas ?

A Louvain comme ailleurs dans nos régions, la baisse des températures moyennes ne suffit pas à expliquer le déclin de la viniculture aux temps modernes. Les facteurs socio-économiques, les spécificités locales et les phénomènes extrêmes sont notamment à prendre aussi en compte (XVè-XVIè siècles)

   Le retour du vin dans nos régions, depuis la fin du XXè siècle, induit à rappeler régulièrement que le divin breuvage y avait été produit à grande échelle au Moyen Age et encore aux temps modernes. Ainsi Louvain, aujourd’hui connue bien davantage pour sa bière (Stella Artois), vivait-elle alors au rythme des vendanges. « Les vignobles couvraient la plupart des collines dans la ville et ses environs. Leur nombre et leur étendue étaient tels qu’une partie considérable de la population était à l’œuvre dans la production du vin » , souligne Lena Walschap (Katholieke Universiteit Leuven), auteur d’un mémoire de master sur la dernière phase de cette activité dans la cité brabançonne [1].

   A partir de la fin du XVIè siècle sonne le glas du déclin. Pourquoi ? Ici comme dans d’autres contrées européennes privées de cru, nombre de chercheurs ont pointé vers un coupable tout trouvé: le « petit âge glaciaire » , ainsi qu’est désignée la longue période, de 1300 à 1850, caractérisée par la hausse des quantités de pluie et la baisse des températures hivernales. Mais pour l’historienne, cette explication pèche quand elle se veut exclusive. Les rigueurs du temps seules n’ont pas rendu la culture viticole impossible. D’autres facteurs, d’ordre socio-économique, sont intervenus concomitamment pour que se raréfient les acteurs disposés à courir les risques de ce type d’entreprise.

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