L’impossible parti catholique en Brabant wallon

Ici comme ailleurs, aucune des tentatives visant constituer une formation qui soit beaucoup plus qu’un regroupement de tendances n’a pu aboutir dans la seconde moitié du XIXe siècle . L’autonomie locale, l’indépendance des élus et les divisions entre libéraux et ultramontains ont fait obstacle aux volontés centralisatrices (1857-1884)

   Appréhendé avec les critères de notre réalité présente, le XIXe siècle politique procure un dépaysement total. Rien ici qui puisse évoquer de près ou de loin ce qu’on appelle communément, de nos jours, la « particratie » . Il existe certes des courants d’opinion. Et les libéraux se sont bien donné un embryon de parti dès 1846. Mais les obédiences sont en quelque sorte invertébrées, la volonté de se doter d’une organisation centralisée au sommet n’émergeant que peu à peu, non sans s’exposer à de nettes réticences. Une récente étude de Paul Wynants, professeur émérite de l’Université de Namur, relate ces tentatives et les contre-feux qu’elles ont suscités dans le monde catholique du Brabant wallon [1].

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Du tableau noir à l’écran blanc

Les changements qui ont bouleversé le monde de l’enseignement ces dernières décennies se reflètent aussi à travers le cinéma. Le rôle majeur du maître reste une constante mais dans les productions les plus récentes, c’est le thème des harcèlements en tous genres qui a pris une importance croissante (1930-2020)

   Appelés à citer un film en rapport avec l’école qui les a marqués, 260 futurs psychologues et pédagogues de l’Université de Mons ont plébiscité La vague (Dennis Gansel, 2008), Le cercle des poètes disparus (Peter Weir, 1989) et Les choristes (Christophe Barratier, 2004). Les scores se sont établis respectivement à 15 %, 14,2 % et 13,5 %, les autres réalisations venant loin derrière. Est-ce pur hasard si, dans les trois cas, ressort l’importance de l’action du maître comme individualité forte ? A l’encontre des théories et des directives qui mettent plus volontiers l’accent sur le collectif, les générations montantes demeurent attachées à l’exemple des Wenger, des Keating ou des Mathieu qui, positivement ou négativement, influencent en profondeur leurs élèves.

   Voilà qui dit assez l’intérêt du cinéma en tant que source pour l’histoire, si pas de l’enseignement lui-même, du moins des représentations dont il est l’objet. Quelques données pertinentes, à cet égard, sont à glaner dans l’ouvrage collectif L’école à travers le cinéma, qui vient de paraître sous la direction de trois professeurs et chercheurs de la faculté montoise de psychologie et des sciences de l’éducation [1].

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Recherches pour élèves sur la Grande Guerre

Les pistes de recherches proposées pour l’enseignement secondaire sur la Grande Guerre par trois historiens de la KULeuven ruinent le mythe des soldats flamands brimés par les officiers francophones. Parmi les thèmes envisagés figurent les progrès accomplis dans le domaine militaire et les épreuves endurées par les populations civiles (1914-1918)

   « C’est un mythe que les Flamands qui défendaient leur langue sur le front de l’Yser furent implacablement traduits devant des tribunaux militaires francophones » . Tel est le constat de l’historien du droit Jos Monballyu, professeur à la Katholieke Universiteit te Leuven (KULeuven), dans le cadre d’une étude basée sur les dossiers pénaux de la Grande Guerre [1]. Il en ressort que peu nombreux furent les militaires poursuivis pour leur engagement flamand supposé et qu’on ne trouve pas trace d’un quelconque arbitraire judiciaire.

   Ce n’est pas le premier travail qui met à rude épreuve des clichés d’autant plus ancrés qu’ils ont fait et font toujours l’objet d’instrumentalisations politiques. A leur critique se sont attelés depuis belle lurette un Lode Wils, de la même université, et plus récemment l’historienne de référence sur 14-18 qu’est Sophie De Schaepdrijver (Pennsylvania State University, Vrije Universiteit Brussel). Celle-ci s’est expliquée, dans un entretien, sur l’origine de sa démarche: « Je suis un produit de la réforme de l’enseignement de l’histoire. Je n’hésite pas à dire que l’histoire fut alors entièrement refondue, et que pendant mes six ans d’enseignement secondaire je n’ai strictement rien appris. Tout ce qu’on m’a enseigné, ce sont ces mythes. Par exemple, que sur l’Yser des soldats flamands mouraient parce qu’ils ne comprenaient pas les ordres donnés en français. J’y croyais dur comme fer, puisqu’on me l’avait répété pendant des années. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris que c’était au fond un mythe – comme il y en avait tant d’autres » [2].

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La thèse, l’image et la fête: un cocktail de fin d’études aux temps modernes

Entre hommages au protecteur et supports visuels de la science, les dédicaces et illustrations affichées à l’occasion des défenses des thèses étudiantes sont riches d’enseignements. Largement diffusées, elles avaient même leurs collectionneurs, mais elles coûtaient cher aux récipiendaires (XVIè-XVIIIè siècles)

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Gravure de Richard Collin d’après Erasmus Quellinus. Thèse de Philippe Leerse, Louvain, 1674. (Source: Archives générales du Royaume, I 264-1700; n. 1, Gwendoline de Mûelenaere, « Double Meaning of Personification… » , p. 436)

    En 1674, au cours d’un débat présidé par le philosophe et théologien Jean Lacman, l’étudiant Philippe Leerse défend ses travaux de fin d’études à l’Université de Louvain. Il les a dédiés à son protecteur Macaire Simeomo, abbé de Saint-Michel à Anvers, ainsi qu’en témoigne une affiche conçue par Erasmus Quellinus et gravée par Richard Collin. Des personnifications de la Logique, de la Physique et de la Métaphysique, jointes à un ange représentant l’Ethique, y entourent le candidat. Celui-ci s’incline respectueusement et tient une grande feuille contenant la dédicace. Les figures allégoriques présentent à l’abbé, siégeant sur un trône, les conclusions de la thèse inscrites sur quatre médaillons. Le postulant donateur est ainsi introduit auprès de son patron.

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De l'(in)utilité de l’histoire

Faut-il orienter le cours d’histoire vers le présent et le fondre dans les sciences humaines et sociales ? On en débattait déjà au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Pour le Néerlandais Jan Romein et le Belge Leopold Flam, l’idéal d’objectivité devait céder la place à un enseignement au service des valeurs d’une nouvelle démocratie (1945-1965)

Saint Benoit
Le cours d’histoire doit-il être considéré comme formateur de l’opinion (démocratique) ou comme transmetteur d’un savoir ayant sa valeur en tant que tel ? Le dilemme n’est pas nouveau. (Source: Jean-Luc Flémal, IPM Group)

   « Nous défendons avec force la présence d’un cours de formation historique à part entière, dans l’enseignement primaire et secondaire, et nous refusons fermement qu’il soit noyé dans un vaste cours de sciences humaines aux contours flous et incertains » . Ainsi s’exprimaient, dans une opinion publiée début 2017 par La Libre Belgique, les professeurs membres de l’association Histoire et Enseignement, réagissant à un des scénarios envisagés pour les programmes en Communauté française de Belgique dans le cadre du « Pacte pour un enseignement d’excellence » [1]. Le projet ici dénoncé était déjà en partie réalité dans les établissements secondaires du réseau libre confessionnel. Depuis 1979, en effet, l’histoire comme telle, pendant les deux premières années (premier degré commun), y a été absorbée par l’étude du milieu « qui intègre les dimensions suivantes: l’homme, l’espace, le temps et des aspects socio-économiques » [2]. L’enseignement technique et professionnel a suivi des voies similaires. Mais l’idée même d’une telle intégration remonte plus loin encore…

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