Aimer l’hébreu au temps de la Contre-Réforme

Le Collège des trois langues, fondé à Louvain, en a développé l’enseignement afin de revenir aux sources de l’Ancien Testament. A partir de 1754, le cours est devenu obligatoire pour les doctorants en théologie. Nombre de ses élèves, parfois célèbres, ont aussi découvert les richesses de la culture juive post-biblique (1517-1797)

Quand le concile de Vienne, réuni en 1311-1312, décida de donner un solide coup de pouce à l’enseignement de l’hébreu – ainsi que de l’arabe et du syriaque –, l’intention était d’ordre exclusivement missionnaire. Il s’agissait de connaître les langues « pour répandre la foi rédemptrice aux païens » . Sans renoncer à cette ambition, c’est avec une visée supplémentaire que le courant humaniste, à la suite de Johannes Reuchlin (1455-1522), s’est attaché à promouvoir les études hébraïques dans la chrétienté. Selon les termes d’Erasme, il fallait revenir aux « sources limpides » que sont les écrits bibliques et antiques dans leur forme originelle.

C’est sous l’inspiration de l’érudit rotterdamois, alors au sommet de sa gloire, que fut conçu en 1517, au sein de la corporation universitaire de Louvain, le Collège des trois langues, celles-ci étant le latin, le grec et l’hébreu. Le cinquième centenaire de cette fondation a donné lieu à une exposition suivie de la publication d’un ouvrage collectif. Le cas particulier du principal idiome vétérotestamentaire y est traité par le professeur Pierre Van Hecke, qui lui-même l’enseigne à la Katholieke Universiteit te Leuven [1]. Continuer à lire … « Aimer l’hébreu au temps de la Contre-Réforme »

Quand le théâtre jésuite dénonçait Voltaire

« Philosophus modernus comœdia » , pièce écrite pour être jouée par des élèves du collège d’Anvers, relate la descente d’un étudiant aux enfers des Lumières, avant qu’une ruse familiale le fasse revenir à la foi. On y décèle notamment l’influence des moralités médiévales et du dramaturge français Charles Porée, sj (1772)

Le rideau se lève sur Phaedria, un jeune Anversois, bâillant sur ses livres, tous au label des Lumières dont il est entiché depuis ses études à Paris. A ce « savant » s’oppose Davus, son domestique quelque peu simplet, qui refuse de lire ou d’entendre un chapitre de Voltaire et, une fois seul, se lamente d’avoir à servir un maître qui « vit comme un animal, depuis qu’il prétend que son âme est mortelle comme celle d’un animal » . Et pourtant, l’oncle et le père de la brebis égarée vont parvenir à la ramener à la bergerie. Comment ? C’est toute l’intrigue de Philosophus modernus comœdia, comédie en trois actes et en latin, écrite pour être représentée en juin 1772 par les élèves du troisième degré (appelé grammatica) du prestigieux collège jésuite d’Anvers. Une étude et une édition en ont été menées à bien par Nicholas De Sutter (Katholieke Universiteit te Leuven) [1].

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Premières brèches dans les anciens Pays-Bas

Les révoltes des comtés de Flandre et de Hollande sous la régence de Maximilien de Habsbourg ont en commun le refus de la politique centralisatrice et de l’alourdissement des charges. Mais malgré les liens noués entre leaders, il n’y a pas eu d’unité dans les objectifs ni dans l’action (1482-1492)

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Portrait de l’archiduc Maximilien, tuteur de Philippe le Beau et empereur germanique, par Albrecht Dürer (1519). (Source: Kunsthistorisches Museum Wien, Gemäldegalerie, 825, https://www.khm.at/objektdb/detail/617; n. 1, p. 40)

Les troubles de la seconde moitié du XVIè siècle, qui débouchèrent sur la division des anciens Pays-Bas, ne furent pas sans avant-coureurs. Pour nombre d’historiens, en effet, les mouvements séditieux de l’époque bourguignonne ont anticipé à bien des égards les oppositions à la souveraineté espa- gnole, même si la dimension religieuse en était absente. Tronc commun: le refus de la politique centralisatri- ce. En relançant celle-ci après la mort prématurée de Marie de Bourgogne (1482), son mari l’archiduc Maximilien de Habsbourg, appelé à exercer la régence pour leur jeune fils Philippe le Beau, mit le feu aux poudres, comme le ferait Philippe II quelque quatre-vingts ans plus tard.

Le rôle majeur des opérations de corsaires (les « gueux de la mer » ) rapproche également les deux épisodes, ainsi que la difficulté, pour l’ensemble fédéré par Philippe le Bon, de préserver son unité même dans l’adversité. En revisitant les soulèvements de grande ampleur dont les comtés de Flandre et de Hollande, en particulier, ont été le théâtre au tournant des années 1480 et 1490, Louis Sicking (Université libre d’Amsterdam, Université de Leyde) montre que les apparences et les solidarités de circonstances dissimulaient en réalité bien des brèches et des visées différentes [1]. Continuer à lire … « Premières brèches dans les anciens Pays-Bas »

Maastricht au front pionnier, Liège aux avant-postes

Rattachés aux Provinces-Unies protestantes, la cité de saint Servais et ses environs n’en sont pas moins demeurés partie intégrante du diocèse de Liège. La fragile coexistence des Eglises catholique et réformée n’y a pas fait taire les controverses, avivées par un pasteur français des plus combatifs (1632-1636)

Riche est l’Ancien Régime en singularités institutionnelles et en configurations territoriales inattendues. Le statut de Maastricht constitue à ces égards un cas des plus exemplaires. Placée sous la cosouveraineté des rois d’Espagne (en tant que ducs de Brabant) et des princes-évêques de Liège, la ville conserve ce régime même après son rattachement aux Provinces-Unies en 1632, dans la dernière phase de la guerre de Quatre-Vingts Ans. Tout en se situant hors de la principauté et dans un Etat né de la Réforme protestante, la cité de saint Servais continuera de faire partie du diocèse de Liège.

Enjeu stratégique de taille, contrôlant le passage de la Meuse, la place est aussi montée en puissance symbolique dans les deux camps, ayant subi à la fois les flambées iconoclastes et la furie espagnole. Mais les nouveaux maîtres jugent opportun d’agir avec prudence. On ne rééditera pas ici l’opération radicale menée en 1629 à Bois-le-Duc où la « Milice » orangiste « a laissé quelques Couvens de Religieuses, mais chassé tous les gens de l’église » , selon le témoignage d’Henri de Turenne, alors jeune soldat dans l’armée de son oncle [1].
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De l’enlèvement comme stratégie de mariage

A travers une étude de cas dans le Gand du bas Moyen Age, il apparaît que les enfants n’hésitaient pas à recourir à ce moyen pour contourner la volonté des parents. En matière de patrimoine ou d’héritage et devant la justice, les femmes et les jeunes adultes pouvaient aussi avoir gain de cause (XVè siècle)

Jusqu’à quel point, dans les sociétés d’Ancien Régime, les futurs conjoints se choisissaient-ils ou devaient-ils se ranger à l’avis des parents et aux stratégies d’alliances familiales ? La question a été et demeure amplement débattue entre historiens. Assurément, les père et mère avaient une voix au chapitre importante, parfois exclusive, pour le meilleur ou pour le pire, mais une grande diversité de pratiques et d’usages s’observe selon les régions, les rangs sociaux, les sexes… On s’accorde à estimer que les contraintes étaient généralement moindres dans les groupes moins fortunés ou moins influents, le mariage n’y revêtant pas d’enjeu économique ou politique. Cependant, même les jeunes gens des classes supérieures ne furent pas tous voués à partager le sort des enfants d’Harpagon, l’avare de Molière, promis aux fiancé(e)s les plus improbables pour eux mais les plus profitables pour lui. Comme chez Molière du reste, où Elise et Cléante finissent par avoir gain de cause, les projets des géniteurs ne se réalisaient pas toujours. La littérature regorge d’intrigues inspirées par ces situations conflictuelles. L’Eglise avait pour sa part indiqué de longue date comment les trancher en imposant la condition impérative, rappelée au concile de Trente, du consentement mutuel des époux [1].

A travers une étude de cas située dans le Gand du XVè siècle, Jelle Haemers et Chanelle Delameillieure, de la Katholieke Universiteit te Leuven (KULeuven), apportent un éclairage éloquent sur les moyens mis en œuvre pour rectifier ou contrecarrer au besoin les plans parentaux [2]. Le paterfamilias ici concerné, Simon van Formelis, n’est pas le premier venu. Docteur en droit, juriste et diplomate, appartenant à l’élite du comté, il est président du Conseil de Flandre, la plus haute instance juridique, quand son fils Jan, en 1433, va défrayer la chronique. Il a en effet recours au procédé alors le plus populaire pour surmonter les réticences mises à lui octroyer la main de sa bien-aimée et aimante Gertrude, fille de Jan van Strépy, seigneur d’Oisquercq (Tubize): l’enlèvement. Continuer à lire … « De l’enlèvement comme stratégie de mariage »

Quand les Bruegel célébraient la fécondité

Très en vogue dans le dernier tiers du XVIè siècle et au début du XVIIè, les représentations iconographiques du jour du mariage reflètent les tensions entre la conception chrétienne réaffirmée par le concile de Trente, la persistance de coutumes païennes et l’exaltation renaissante de la nature

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« Le repas de noce » de Pieter Bruegel l’Ancien (1568): une scène festive où la satire se glisse subrepticement. (Source: Kunsthistorisches Museum Wien, Gemäldegalerie, Inv. Nr 1027, www.khm.at/de/object/fe73f687e5/; n. 2, p. 43)

L’auteur de ces lignes n’est peut-être pas le seul qui doive à Willy Vandersteen son premier contact impressionnant, au plus jeune âge, avec le grand art. Dans Le fantôme espagnol (1952), considéré comme un des meilleurs albums du bédéiste anversois, ses héros Bob, Bobette et Lambique sont plongés en plein XVIè siècle par un revenant hanteur d’un musée. Ce voyage dans le temps débute par une aspiration dans Le repas de noce de Pieter Bruegel l’Ancien (1568). De quoi alimenter de précoces réflexions sur la concordance possible – ou non – de  l’œuvre et du réel [1]

Pour l’historien aussi, l’iconographie sous toutes ses formes constitue une voie d’accès à la connaissance du passé, dût-elle, comme toutes les autres, subir les épreuves de la critique. Dans le prolongement d’une thèse défendue à l’Université libre d’Amsterdam, Meta Henneke s’est livrée à l’exercice sur les représentations du jour du mariage, dans le tableau susnommé ainsi que dans d’autres de la même époque [2]. Bon nombre ont en commun la dimension festive, justement appelée bruegelienne, prodigue en agapes, en éclats et plus encore en danses. Mais la satire peut s’y glisser aussi, plus ou moins subrepticement.
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Pas de maison mais un imprimeur pour Fénelon

Non, il n’a pas imaginé « Télémaque » en rêvant dans la forêt boraine du Bois l’Evêque ou dans les bocages de Meslin-l’Evêque. Et il n’y eut pas non plus de résidence. Par contre, c’est très probablement à Bruxelles que fut réalisée la première édition complète et autorisée de son best-seller (1690-1715)

Une très persistante mémoire locale veut qu’un vénérable édifice appelé « la Belle Maison » , qui se dresse à l’orée du bois de Colfontaine à Pâturages, ait été construit ou à tout le moins occupé temporairement par Fénelon, entre les années 1690 et sa mort en 1715. Que le domaine ait aussi reçu le nom de Bois l’Évêque n’a pu que renforcer l’idée d’un lien privilégié avec le prélat et écrivain français. D’aucuns se sont même plu à l’imaginer trouvant, auprès des ruisseaux ou au détour des sentiers bordés de charmes, l’imagination dont naîtrait son Télémaque. Mais il y a de la concurrence: celle notamment du village de Meslin-l’Évêque (Ath), qui affiche lui aussi sa « maison Fénelon » et ses paysages bucoliques, où on ne peut que rêver à l’épopée romanesque du fils d’Ulysse et de Pénélope… Pour l'(les) auteur(s) de l’article consacré à l’archevêque de Cambrai dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia, il n’est pas douteux que « vers 1700, il habita quelque temps en Belgique dans une demeure, longtemps appelée « la Belle Maison » , se trouvant aux limites des communes de Pâturages et d’Eugies, puis il se retira dans son archevêché » [1].

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Selon la légende de cette carte postale datée de la fin du XIXè siècle ou du début du XXè, la maison dite château Fénelon à Meslin-l’Evêque aurait été construite par l’archevêque, mais il est « fort peu probable » qu’il y ait résidé. (Source: Universiteitsbibliotheek Gent, https://lib.ugent.be/en/catalog/rug01:001199148)

Il y a belle lurette, pourtant, que des doutes se sont élevés. Dans le cas de Meslin-l’Evêque, la légende d’une carte postale ici reproduite et datée d’il y a plus d’un siècle nous dit qu’il est « fort peu probable » que le grand homme ait résidé dans sa supposée maison, destinée « probablement » à un régisseur. En 1996, Jean-Marie Cauchies, professeur aujourd’hui émérite de l’Université Saint-Louis (Bruxelles) et de l’Université catholique de Louvain, enfonçait le clou pour de bon: l’origine du toponyme « Bois l’Evêque » est bien antérieure à Fénelon et « la Belle Maison » n’a pas pu être bâtie avant le troisième quart du XVIIIè siècle [2].
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Clercs, nobles, villes, franchises…: les représentants politiques sous les ducs de Brabant

Alors que le « parlement » du clergé, de la noblesse et du tiers état devient une puissance avec laquelle il faut compter, les hommes de condition y sont moins présents, les représentants des villes se révélant les plus actifs. La distance par rapport à Bruxelles joue aussi un rôle (XVè siècle)

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Jacob van Abcoude, seigneur de Gaasbeek, n’apparaît pas avec ce titre dans la liste de convocation de 1415. Son auteur savait qu’il n’était pas chevalier. (Source:  vitrail de la cathédrale d’Utrecht, dans Arnoldus Buchelius, « Monumenta passim in templis ac monasteriis Trajectinae urbis atque agri inventa » , manuscrit, 1630, Het Utrechts Archief, HUA [Bibliotheek], XXVII L 1, http://hdl.handle.net/1874/25842; n. 1, p. 25)

Si la fin du Moyen Age est marquée à bien des égards par une tendance lourde à la centralisation princière, on demeure à mille lieues des formes modernes d’absolutisme ou de pouvoir personnel. Le prince n’est pas seul: régulièrement, sa décision sur des matières de première importance est subordonnée à la concertation avec des représentants, sinon du « peuple » comme on l’entendrait de nos jours, du moins des ordres qui composent la société d’Ancien Régime. Dans le duché de Brabant, l’assemblée des « trois états » est dénommée comme telle à partir du XVè siècle, mais la pratique s’est développée dès le XIIIè, à l’initiative tantôt du souverain, tantôt des pouvoirs urbains.

A travers l’étude des listes de convocation à trois de ces réunions brabançonnes (1406, 1415 et 1489) et une aux Etats généraux (1464), listes par ailleurs publiées et assorties de l’identification des invités, Mario Damen, maître de conférences à l’Université d’Amsterdam, apporte de précieux éclairages sur la composition et le fonctionnement de cette instance en même temps qu’un véritable who’s who des personnes qui comptent alors politiquement [1]. Des listes identiques existent ailleurs en Europe. La plus ancienne qui nous soit parvenue est celle des villes de la province pontificale du Patrimoine de Saint-Pierre, datée de 1298. Les sources qui font l’objet du présent travail apparaissent cependant, par comparaison, comme particulièrement riches.

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A l’avant-garde des carillons et des cloches

Les frères Hemony ont porté à sa perfection l’art campanaire dans les Pays-Bas du Nord et du Sud. Cependant, le travail accompli par Pierre, le cadet, pour le beffroi de Gand a donné lieu à d’amples polémiques et débouché sur un conflit avec l’échevinat. Depuis, justice a été rendue à l’artisan (1657-1662)

Ils ont pu subir d’importantes restaurations ou transformations, mais la trace des Hemony, François (v.1609-1667) et Pierre (1619-1680), est toujours bien présente dans les carillons des cathédrales d’Anvers et de Malines, du beffroi de Gand ou de l’église Saint-Sulpice à Diest. Les frères étaient Lorrains, nés à Levécourt dans une famille de saintiers, à l’instar de beaucoup d’autres dans la localité. Mais leur talent s’est déployé pour l’essentiel en terres belges et surtout hollandaises, au moment et aux lieux même où l’art campanaire atteignait son apogée.

Il nous est permis d’être (un peu) chauvins en la matière. Le jeu de cloches avait vu le jour sous nos cieux, peut-être à Alost ou à Anvers, vers 1480. « Les fondeurs de Belgique et des Pays-Bas surpassaient tous les autres » , lit-on dans l’Universalis. Deux siècles après les prémices, les Hemony sont venus mettre la cerise sur le gâteau en accordant les cloches avec une précision jusqu’alors inégalée [1]. L’ouvrage de belle facture que vient de leur consacrer Heleen van der Weel, historienne formée à l’Université de Leyde, également organiste et carillonneuse, permet de prendre toute la mesure du rôle économique et culturel de ces artisans [2]. Une étude aussi révélatrice – même si l’auteur ne le souligne pas – d’une perméabilité de la nouvelle frontière issue de la guerre de Quatre-Vingts Ans. Une décennie à peine après la reconnaissance de l’indépendance des Provinces-Unies (en 1648), la rupture religieuse n’avait pas dressé un rideau de buis entre les deux pays. Apparemment, la foi catholique fervente de François et de Pierre n’a pas plus constitué un obstacle à leurs affaires dans le Nord que leur ancrage dans la république calviniste ne les a handicapés dans le Sud.

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Des chanoines entre trône et autel

La création d’un chapitre de 30 chanoines à ‘s-Hertogenbosch et l’extension ultérieure de sa sphère de compétence ont été voulues tant par le duc de Brabant que par l’évêque de Liège dont la ville dépendait. Mais les clercs ont dû faire face à la concurrence d’autres acteurs religieux (1366-1559)

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Une vue de ‘s-Hertogenbosch au XVIè siècle, où émerge l’église Saint-Jean. (Source: gravure sur bois publiée dans la « Descrittione di tutti i Paesi Bassi… » de Lodovico Guicciardini, Anvers, Guglielmo Silvio, 1567, entre les pp. 126 et 127,  https://amshistorica.unibo.it/185#; n. 1, p. 76)

Dans la sympathique complexité qui caractérise l’Ancien Régime, les géographies ecclésiastique et politique ne coïncident pas nécessairement. Ainsi est-ce l’évêque de Liège, Jean d’Arckel, qui fait procéder le 20 janvier 1366 à l’installation d’un chapitre (ou collège) de 30 chanoines à la paroisse Saint-Jean de ‘s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc). Celle-ci relève de son diocèse tout en appartenant au duché de Brabant. La mesure est congruente à la montée en puissance économique et administrative de la ville. Les élites locales n’y voient pas d’inconvénient, le pouvoir ducal encore moins et pour cause: tout indique qu’il est à l’origine de cette décision.

Le cas n’est nullement isolé. En terres liégeoises, les plus anciens groupements de clercs – dits « réguliers » quand ils vivent en communauté – sont attestés aux alentours de l’an 1000. Même s’il ne s’agit pas là de leur fonction première, ils constituent un marqueur de l’autorité spirituelle ou temporelle, fournissant à celle-ci un réservoir de célébrants, d’enseignants, de scribes administratifs…  Jan Sanders (Brabants Historisch Informatie Centrum)  vient de livrer une série d’éclairages portant notamment sur l’exportation de ce modèle dans l’actuel chef-lieu de la Province néerlandaise du Brabant-Septentrional [1]Le chapitre dont elle a été dotée, ainsi que les autres apparus bien auparavant dans le nord du diocèse, « ne sont pas à comparer avec les vieux chapitres de Tongres, de Maastricht ou de Liège, qui sont nés dans des lieux d’implantation épiscopaux » , observe l’auteur. L’émergence s’opère ici « auprès des détenteurs du pouvoir local » et au profit, plus tard, du duc qui trouvera dans ces institutions un point d’appui pour « l’accroissement de son pouvoir dans le bailliage » .

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