Les « superwomen » de la littérature arthurienne

Les femmes ne sont pas toujours cantonnées à un rôle passif dans les romans courtois. Deux exemples éloquents: celui du « Roman van Walewein », où Ysabele d’Endi sauve son chevalier d’une situation périlleuse, et l’ « Historia Meriadoci regis Cambriae », où la fille captive de l’empereur élabore elle-même la stratégie de son évasion (XIIè et XIIIè siècles)

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Le chevalier Gauvain à l’écoute d’une jeune femme qui l’a interpellé pour requérir son aide, en échange de quoi elle lui indiquera son chemin. (Source: Cycle du Lancelot-Graal, III. Roman de Lancelot, Bibliothèque nationale de France, Manuscrits, Français 115 fol. 361v, http://expositions.bnf.fr/arthur/grand/fr_115_361v.htm)

   Selon la représentation la plus commune, la femme dans la littérature du Moyen Age ne peut être qu’une princesse esseulée ou prisonnière dans sa tour, jusqu’à sa libération par un preux chevalier avec lequel elle sera heureuse et aura beaucoup d’enfants. Ce canevas existe certes, mais il n’a rien d’exclusif. D’autres récits du temps mettent en valeur des personnages féminins nullement cantonnés dans un rôle passif. Deux d’entre eux, inspirés par la légende du roi Arthur, source florissante aux XIIè et XIIIè siècles, ont retenu l’attention de Sigrid Lussenburg, master en études médiévales de l’Université d’Utrecht [1].

   Les deux romans appartiennent au genre courtois. Le Roman van Walewein (Gauvain) porte les signatures de deux auteurs successifs, Penninc (pseudonyme voulant dire « sans-le-sou » ) et Vostaert. Il a été rédigé en moyen néerlandais, vraisemblablement dans une fourchette qui va de 1230 à 1260. L’Historia Meriadoci regis Cambriae est attribuée à l’abbé du Mont-Saint-Michel au XIIè siècle. Bien qu’écrite en latin, l’œuvre a acquis assez de notoriété, y compris dans les anciens Pays-Bas (englobant nos provinces), pour qu’il soit possible, compte tenu des ressemblances, qu’elle ait influencé Penninc.

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Où descend la haute société au XVIIIè siècle ?

Les quartiers articulés autour du Cantersteen sont au centre des loisirs des élites à Bruxelles à la fin du siècle des Lumières. Mais dans des parcs de la ville se pratique aussi la chasse, la marche à pied est une tendance émergente et les progrès accomplis en matière de pavage des routes incitent à se déplacer davantage « en province » (1760-1790)

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L’Allée verte, un haut lieu des promenades bruxelloises. D’après le dessinateur et peintre rotterdamois Dirk Langendijk, vers 1800. (Source: musée de la Ville de Bruxelles, https://www.coordinatiezenne.be/downloads/BXL_waterlopen-coursdeau/senne-bruxelles-ancien-parcours/fotolink2OK_historischefotos-kaarten-ill/viewer.swf)

   Où vit-on, que fait-on, comment se déplace-t-on, où se rend-on quand on appartient aux classes sociales les plus aisées dans la Bruxelles des dernières décennies du XVIIIè siècle ? Sans surprise – car est-ce tellement différent aujourd’hui ? –, les réponses à ces questions font rapidement ressortir une distribution de l’espace urbain entre ceux qui appartiennent à la haute société et les autres.

   Pour son mémoire de master en histoire présenté à l’ULB, Elodie Basso a quantifié et traité cartographiquement les données contenues dans les journaux personnels, les carnets, les mémoires ou la correspondance de six membres de l’élite ayant résidé dans la capitale économique, culturelle et politique des Pays-Bas autrichiens [1]. Résidant majoritairement à l’est de la Senne ou au sud-est de l’enceinte, les auteurs de ces ego-documents, quand ils se déplacent, se rendent pour l’essentiel dans les quartiers articulés autour du Cantersteen où la chercheuse voit le centre de « la probable carte mentale des élites » . C’est le lieu du luxueux hôtel d’Angleterre, des belles boutiques et des marchés, de la sociabilité et aussi de nombre d’activités professionnelles. Autour, dans un rayon d’environ 600 mètres, se trouvent la collégiale Sainte-Gudule, la Grand-Place et le palais du gouverneur général Charles de Lorraine. The places to be, dirait-on de nos jours… La palme revient sans doute au théâtre de la Monnaie, que fréquentent les auteurs des six sources analysées. « Son activité était si intense, rapporte Elodie Basso, qu’un règlement de circulation fut établi à ses alentours en raison du désordre provoqué par les carrosses des spectateurs » . Les pics de circulation se situent entre 9 et 10 heures du matin pour le travail, le culte, la promenade ou le shopping, entre 18 heures et 18 heures 30 sur les voies conduisant aux théâtres, aux salons ou aux dîners des nombreux notables qui tiennent table ouverte. Il fait calme entre 13-14 heures et 16 heures, temps du repas de midi volontiers prolongé. Après 18 heures, aucun déplacement pédestre de membres de la bonne société n’est recensé: la réputation d’insécurité des rues est bien établie.

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Des cannibales dans les grottes de Goyet

Une recherche internationale a permis d’établir que des néandertaliens anthropophages, « recyclant » en outre les os de leurs semblables en outils, ont peuplé le site de Gesves. Sur la signification, symbolique ou purement alimentaire, de ces usages, rien ne permet par contre de trancher (-45.500-40.500 ans)

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Hélène Rougier, anthropologue de la California State University Northridge, devant une partie des os et dents néandertaliens provenant de la troisième caverne de Goyet. (Source: Emmanuel Dunand / AFP)

   Si les grottes de Goyet ont été découvertes il y a belle lurette, elles peuvent encore offrir matière à surprises archéologiques. Ainsi une équipe y a-t-elle mis au jour, en 1998-1999, un vaste réseau de galeries et une sépulture d’enfant néolithique, datée d’il y a quelque 4500 ans. Ce n’est pourtant pas une exhumation nouvelle qui a valu au site de Gesves de susciter, en décembre 2016, l’intérêt de nombreux médias. Il s’agit en fait du réexamen de matériaux trouvés par ceux qui donnèrent ici les premiers coups de pelle, dans le dernier tiers du XIXè siècle et au début du XXè.

   Un réexamen parce que le drame de Goyet est d’avoir été exploité trop tôt, selon des méthodes forcément étrangères aux standards scientifiques actuels. Le principal pionner que fut le géologue dinantais Edouard Dupont vida trop rapidement la caverne principale, bâclant les relevés stratigraphiques autant que la vingtaine de pages qu’il publia en guise de bilan. Ses successeurs ne firent guère mieux et des pièces appartenant aux époques les plus éloignées furent mélangées. Ceci dit, il fallait aussi disposer des techniques de pointe en usage actuellement pour arriver, sur la base de fragments des plus épars, au constat que ces cavernes eurent, parmi leurs occupants successifs, des néandertaliens anthropophages, « recyclant » en outre les os de leurs semblables en outils! Car telles sont bien les conclusions de la recherche conçue par Hélène Rougier (California State University Northridge) et Isabelle Crevecœur (Université de Bordeaux), avec onze autres experts de disciplines diverses, français, allemands, espagnols, néerlandais et belge (Patrick Semal, Institut royal des sciences naturelles de Belgique, IRSNB). Les résultats ont été publiés par la revue Scientific Reports [1].

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